Tribune : "Il est temps qu’au moment où l’on sonde la planète Mars, les éditeurs inventent une autre conception du livre illustré" Par Adam Biro, éditeur d’art qui a dirigé dans les années 1980 le département art de Flammarion.

Tribune : "Il est temps qu’au moment où l’on sonde la planète Mars, les éditeurs inventent une autre conception du livre illustré" Par Adam Biro, éditeur d’art qui a dirigé dans les années 1980 le département art de Flammarion.

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Par Anne-Laure Walter
Créé le 09.04.2015 à 23h33 ,
Mis à jour le 14.04.2015 à 11h09

Il y a quelques semaines, l’éditeur de livres d’art Jean-François Barrielle, directeur des éditions Hazan, est décédé. [...] Après avoir été amis, nos caractères nous ont éloignés l’un de l’autre. C’est donc d’autant plus à l’aise que je peux affirmer que depuis pas mal de temps déjà il était devenu le meilleur éditeur de livres d’art en France. [...] Aucun des quotidiens, aucune radio n’a trouvé important de signaler sa mort.

Il y a quelque temps, j’ai donné des cours sur le livre d’art dans le master d’édition d’une faculté parisienne. Ayant largement dépassé la limite d’âge imposée par l’Education nationale, j’ai été prié de déguerpir. Et n’ai pas été remplacé. [...]

Ce que je déplore en constatant la lente disparition du livre d’art, ce n’est pas la disparition d’un métier. Après tout, qui regrette les dinandiers, les patenôtriers, les affoireurs de vin, les oublayeurs, les cloutiers - ou le poinçonneur des Lilas ? Ce qui m’attriste, c’est l’indifférence du public d’une part et le manque d’idées des éditeurs d’autre part. Les queues devant les expositions s’allongent, les romans populaires mettant en scène Léonard, Vermeer ou Caravage s’arrachent - mais le désintérêt pour cet objet irremplaçable qu’est, qu’était un vrai livre d’art est flagrant. Mes étudiants en master pensaient que, puisque toutes les œuvres de Lorenzo Lotto étaient en ligne, de même que sa biographie et les études le concernant, il était inutile d’encombrer sa bibliothèque avec un livre et de dépenser de l’argent. Mon premier patron, en Suisse, avait une parfaite réponse pour ceux et celles qui critiquaient le prix de ses publications. "Combien coûte votre paire de chaussures ? Et combien de temps durera-t-elle ? Pourriez-vous la léguer à vos enfants et à vos petits-enfants ? Et quels plaisirs, quels enseignements en tirez-vous ?" J’ai essayé de montrer à mes étudiants la beauté de l’objet, son format, sa reliure, sa mise en page… l’élégance même de la chose avec ses pages "inutiles", un faux titre, une page de titre, un colophon, une dédicace, une préface, une introduction en "belle page", un glossaire, un achevé d’imprimer, puis les lignes veuves ou orphelines… Et il est temps qu’au moment où l’on sonde la planète Mars, les éditeurs, au lieu de s’obnubiler sur la table des matières, l’index et l’achevé d’imprimer, inventent une autre conception du livre illustré, en profitant des infinies possibilités de la révolution informatique et de la réceptivité du public. Pourquoi ne pas accompagner le papier et la beauté de l’objet sur l’écran où, en cliquant sur la reproduction d’une peinture, l’on en découvrirait les détails, le peintre, sa vie, sa ville et les commentaires de vive voix d’un historien de l’art, puis tourner à nouveau la page ? [...]

09.04 2015

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