Tribune : "Foire ou salon ? Plus une foire du livre français et francophone, moins un salon parisien et élitiste." Par Pierre Astier, agent littéraire

Tribune : "Foire ou salon ? Plus une foire du livre français et francophone, moins un salon parisien et élitiste." Par Pierre Astier, agent littéraire

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Par Christine Ferrand,
avec Créé le 15.04.2015 à 20h04

Le Salon du livre de Paris, première foire du livre de l’espace francophone (250 millions d’acheteurs de livres potentiels), présente l’offre éditoriale la plus complète de ce bassin linguistique (env. 120 000 nouveautés l’an) (1). Les professionnels de cinq continents où le français est langue d’édition y sont largement présents mais ne se rencontrent guère, en raison d’un cloisonnement ancien. Une foire, ce devrait être la rencontre, l’échange entre ceux qui exercent le même métier, la convivialité, l’esprit festif, la discussion autour d’enjeux économiques et stratégiques, de projets de développement, bref : du "business éditorial".

A Londres, les Anglo-Saxons discutent beaucoup export, coéditions, cessions de droits, etc. A Paris, les éditeurs parisiens restent beaucoup dans leur pré carré, les éditeurs des régions ne sont pas conviés à grand-chose, ceux de la francophonie se sentent éternellement mis de côté. Quant aux étrangers, ils ne savent pas quand venir (avant, pendant, après, pas du tout), faute d’espace professionnel ad hoc. Les éditeurs du pays et des villes invités, arrivés avant le salon, voient discrètement quelques chargés de droits dans leurs bureaux (jamais les éditeurs des régions ou de la francophonie). Idem pour les éditeurs étrangers du Fellowship qui débarquent en fin de salon, mais n’auront aucune chance de voir les premiers. Des rencontres professionnelles, il y en a, organisées par les institutions, mais sans réelle coordination. Les échanges libres ne sont pas encouragés, comme ils le sont dans les foires de Turin ou de Guadalajara ; les intérêts particuliers semblent primer sur l’intérêt collectif.

Pour inventer le salon du livre de demain, mieux distinguer les professionnels (avec journées et programmes réservés) du public (acheteur de livres) semble indispensable, ainsi que mêler les acteurs du marché international en langue française, sans préséance parisienne. Bref, tendre à ce qu’il soit plus une foire du livre français et francophone, et moins un salon parisien et élitiste. En trois mots : ouvert, curieux, accueillant. La question du lieu (porte de Versailles, Grand Palais…) importe peu, somme toute.

L’expérience "Talentueux indés" (21 mars) a été un formidable moment de rencontre entre indés parisiens, régionaux et francophones (ces PME à valoriser), face à 130 éditeurs étrangers, agents, producteurs et scouts, en présence d’étudiants de l’Ecole des métiers de l’information (Emi). Dans un esprit de total décloisonnement. Elle aura notamment servi à la réflexion qui précède.

(1) Pas de statistiques globales.

15.04 2015

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