Le premier roman de Dalibor Frioux, Brut (Seuil, repris chez Points), était l’une des révélations de la rentrée littéraire 2011. L’écrivain, qui enseigne la philosophie, a pris le temps de concocter la suite. Et risque fort de surprendre à nouveau avec le très déroutant et très construit Incident voyageurs. Un roman où les voix s’entrecroisent et se regroupent. Où il est notamment question de transports en commun, du monde du travail et du rapport au temps.

Ici, on fera peu à peu connaissance avec Anna qui parle à son fils Hutch, un garçon qui ne pleure jamais et ne se met pas en colère. Mère célibataire du Val-de-Marne, celle-ci a été remplaçante au Monoprix du métro Voltaire. Ce qui l’amenait à prendre le RER A pour aller de Boissy-Saint-Léger à Gare de Lyon, de changer à Bastille et de terminer son trajet à pied.

Kevin, lui, s’adresse à "Madame la Conseillère du Pôle (anciennement Pôle Emploi)". Il a fait des études d’espagnol, connu divers emplois par intérim. De nuit dans un abattoir, il écartait les cochons les uns après les autres. A une époque où il logeait au troisième sous-sol d’un parking souterrain près de la mairie de Meudon. Il a ensuite été animateur dans l’Essonne et "démonstrateur muet"…

Le troisième protagoniste de Dalibor Frioux est un certain Vincent Cottin qui, lui, écrit en pensée à sa compagne, Antje. Vincent travaillait au Louvre, en tant que directeur des "choses vues". Il était entouré d’oncologues, de pépiniéristes, de chauffeurs, de cireurs de chaussures. Ainsi que de cinq mères…

En croisant les parcours, Incident voyageurs parle d’un monde terrifiant qui pourrait être le nôtre. De promiscuité, de stress et de lutte. Le lecteur va de surprise en surprise. Et découvre que les différents personnages du livre se trouvent dans la même rame. Oubliés sur une voie de garage, à cinq minutes de Paris… Qu’ils participent à des groupes de parole… Aussi fascinant que dérangeant, Incident voyageurs confirme la puissance narrative et la pertinence du regard de Dalibor Frioux.

Al. F.