Édition et librairie

Transmissions accomplies

Jean Morisot, Eric Hazan et Stella Magliani-Belkacem des éditions La Fabrique. - Photo HANNAH ASSOULINE

Transmissions accomplies

Qui après eux ? À la suite de la vague de création de maisons indépendantes dans les années 1980-1990, dont les fondateurs et fondatrices s'approchent doucement de l'âge de la retraite, l'épineuse problématique de la transmission de ces structures se pose avec acuité. Un enjeu tout aussi prégnant pour les librairies indépendantes.

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Par Cécilia Lacour et Souen Léger
Créé le 15.03.2024 à 14h42 ,
Mis à jour le 15.03.2024 à 20h39

Lorsqu'il s'agit de passer la main, éditeurs et libraires indépendants partagent des interrogations comparables. Quand faut-il commencer à y penser ? Que transmettre ? À qui ? Sous quelle forme juridique ? Comment fixer la valeur économique de son entreprise ? « Sur les aspects techniques, juridiques et économiques, transmettre une maison d'édition ou une librairie est assez similaire. Mais sur l'évaluation et l'enjeu, cela n'a rien à voir. D'un côté, on reprend une marque, un catalogue, une propriété intellectuelle. De l'autre, on rachète le plus souvent des murs et un commerce », tempère Olivier Pennaneac'h, chargé de mission à l'Agence régionale du livre Provence-Alpes-Côte d'Azur. Et ce, sans compter qu'une maison indépendante « est souvent identifiée à une personnalité forte qui a développé sa ligne éditoriale à sa manière », souligne le consultant et fondateur de L'Art du commun Laurent Delabouglise.

Affaires de famille

Pour transmettre l'entreprise dans laquelle ils ont tant investi, libraires et éditeurs doivent faire preuve de bons réflexes et peuvent emprunter différents chemins. La première voie est familiale. Après une petite prise de participation dans le capital de Picquier en 2011, Juliette Picquier a par exemple pris la suite de son père Philippe, fondateur de la maison en 1986, en devenant cogérante et directrice en septembre 2020. En librairie aussi, la transmission familiale reste une modalité possible. En témoignent la famille Montbarbon à Bourg-en-Bresse, libraires depuis cinq générations, les Martelle qui tiennent la librairie du même nom à Amiens depuis 1957, ou encore les librairies Charlemagne, propriété des Rouard depuis les années 1920.

En l'absence d'héritiers ou héritières, les cédants peuvent transmettre leur société à leurs salariés, formés pour reprendre le flambeau. Après une dizaine d'années dans l'entreprise, Stella Magliani-Belkacem et Jean Morisot sont devenus cogérants de La Fabrique en 2018, aux côtés de son fondateur Eric Hazan, après être entrés dans le capital de manière progressive. Jean Morisot, pour qui « cette formalité n'a rien changé au quotidien », estime qu'il est « plus facile » de reprendre une maison dans laquelle on a évolué que d'en fonder une. Le cheminement est le même chez Diane de Selliers, qui s'apprête à faire entrer sa directrice Joséphine Barbereau dans le capital de l'entreprise. « J'ai grandi dans cette maison », assure cette dernière, entrée par un stage à la fin des années 1990. « Nous travaillons ensemble depuis des décennies, je ne vois personne d'autre de plus à même qu'elle pour diriger la maison », explique la fondatrice Diane de Selliers.

Si une reprise en interne offre des gages de réussite et de stabilité, celle-ci ne va pas forcément de soi. En librairie, « les difficultés sont doubles », estime Guillaume Husson, délégué général du Syndicat de la librairie française. La première porte sur une « crise des vocations chez les salariés susceptibles de reprendre le flambeau mais qui ne le souhaitent pas, notamment en raison des conditions de rémunération ». La seconde est financière. « Compte tenu des salaires en librairie, les repreneurs peuvent collecter quelques dizaines de milliers d'euros en allant frapper à la porte de leur famille et de leurs amis, alors qu'une librairie peut en valoir dix fois plus », ajoute Guillaume Husson. À La Fabrique, Jean Morisot abonde : « Depuis 2011, nos salaires ont peu à peu augmenté, nous permettant de rester puis de devenir sociétaires et gérants-salariés. Pour transmettre, il faut avoir un fonds suffisamment important pour donner aux repreneurs les moyens de vivre de cette activité. »

En toute confiance

À une reprise en interne peut s'ajouter une transmission en externe. Cette formule hybride est mise en place chez les éditions spécialisées dans les beaux-arts Norma. Pour prendre la suite de la fondatrice Maïté Hudry, un triumvirat. Aux côtés de l'éditeur Matthieu Flory, entré dans la maison en 2014 et devenu cogérant en 2021, sont arrivés Virginie Hagelauer, alors directrice commerciale chez Christie's, en tant que cogérante ainsi que Pierre-Emmanuel Martin-Vivier, en poste chez Christie's également, dans le capital de l'entreprise.

La transmission à une personne, certes extérieure à l'entreprise, mais connue de longue date, peut aussi représenter une bonne solution. C'est ainsi que Pierre Lenganey, deux ans après avoir racheté la librairie Le Passage à Alençon, a repris les éditions jeunesse Møtus en janvier 2019. « Je connais le fondateur François David depuis le début des années 1990 et j'ai toujours suivi le développement de son catalogue », explique le libraire-éditeur.

Dernière solution : confier son entreprise à un groupe. C'est le cas de Sarbacane, maison jeunesse fondée par Frédéric Lavabre en 2003, cédée à Madrigall en 2020 après une prise de participation progressive du groupe dès 2014. « La notion de transmission est importante dans ma démarche : j'ai transmis ma maison et mon catalogue. Bien que, d'un point de vue capitalistique, Sarbacane ne m'appartienne plus, elle reste profondément ma maison », défend-il.

Quelles que soient les spécificités de chaque projet, un maître-mot s'impose aux cédants et aux repreneurs : l'anticipation. Trouver la bonne personne à qui confier son « bébé » - terme employé par de nombreux interlocuteurs - peut prendre des mois. Voire des années. À Toulon, Paola Ninni cherche un repreneur depuis plus d'un an pour La Contrebande, enseigne alternative spécialisée en BD, jeunesse et critique sociale qu'elle a créée il y a dix-sept ans. « L'identité est forte et certaines personnes ne s'imaginent pas pouvoir la faire perdurer. Par ailleurs, Toulon attire moins que Marseille et il faudrait deux associés pour reprendre le lieu. Ce n'est pas si simple à trouver », raconte la librairie, qui se dit « fatiguée » mais prête à accompagner la relève.

Une fois le repreneur repéré, les dossiers de reprises et de financements peuvent être encore bien longs à monter. « Nous avons tapé à toutes les portes pour réunir les fonds, si bien que le montage du dossier nous a pris dix-huit mois », raconte Elisa Iglesias, qui a repris la librairie Torcatis à Perpignan avec deux autres salariées. « La chance qu'on avait est que les propriétaires s'y étaient pris quatre ans à l'avance pour préparer leur transmission et qu'ils nous attendaient », poursuit-elle.

Sens du timing

Au cœur de cette anticipation, il faut aussi trouver le bon moment pour annoncer son désir de quitter le navire. « Les librairies et les maisons se fragilisent toujours un peu au moment de l'annonce », estime Laurent Delabouglise. « De nombreux libraires cédants sont discrets, notamment de crainte d'inquiéter les fournisseurs », observe Guillaume Husson. Dans l'édition, ce dossier est susceptible de tomber sous le sceau du secret des affaires. « Souvent, l'annonce est faite quand la reprise est conclue car en parler trop tôt peut remettre en cause certains projets en cours », explique Laurent Delabouglise. Pour assurer une transition en douceur, rassurer les clients, les partenaires et le repreneur lui-même, le tuilage reste donc crucial. Si, en librairie, une période s'étalant sur deux à six mois est généralement conseillée, l'édition a besoin d'un temps plus long, de l'ordre de quelques années.

Autant, donc, prendre le dossier à bras-le-corps au plus tôt. D'autant plus les problématiques autour de la transmission risquent de s'accélérer après une nouvelle vague de création de maisons indépendantes dans les années 2010. Mais aussi en librairie, compte tenu du fort engouement pour le métier depuis 2019 qui s'est traduit par un record de créations de librairies en 2022. « Nous ne manquons pas de dossiers et de sollicitations pour la reprise de librairies et nous en manquerons de moins en moins », prédit le Centre national du livre (CNL) avant de pointer une inquiétude. « L'une des interrogations pour les années à venir porte sur les ventes forcément plus nombreuses de petites librairies à l'économie tendue qui réalisent 200-250 000 euros de chiffre d'affaires ou moins. Se pose la question de leur valorisation et de la faisabilité d'une reprise au regard de leur économie et de capacités de remboursement faibles », explique le CNL. Un souci partagé par Laurent Delabouglise : « Soit un éditeur arrive à un stade de développement suffisant pour lui permettre de transmettre sa maison, soit la société reste petite et, comme toute vie, celle de la maison aura une fin. »

Librairie Torcatis à Perpignan : le contrat de confiance

Salariées à des postes clés de la librairie Torcatis, une institution à Perpignan (Pyrénées-Orientales), Ombeline Génis, Elisa Iglesias et Stéphanie Pi sont devenues, en avril 2019, associées à parts égales de la société. L'aboutissement d'un long processus enclenché fin 2016, lorsque Roger et Brigitte Coste, propriétaires des lieux, ont partagé leur souhait de passer le flambeau. Le temps de se dire « pourquoi pas », de monter un dossier et de réunir les fonds. « Leur volonté était de nous accompagner. De gérants, ils sont passés salariés », relate Elisa Iglesias. Si Roger Coste a pris sa retraite en 2021 après s'être « éclaté dans ce retour aux sources », « il passe encore en amitié, plusieurs fois par mois », rapporte la libraire, tandis que Brigitte Coste travaille toujours au sein de l'équipe. Celle-ci compte désormais douze personnes dont deux associées, Stéphanie Pi ayant quitté la librairie début 2023. Les murs restent la propriété de la famille Coste, soit 300 m2 de surface de vente, et le double en réserve. « Nous avons repris la librairie dans un état parfait et des conditions financières au top, notre travail est de maintenir cela », estime Elisa Iglesias. Réagencement, espace manga étoffé, création d'un solide rayon féminisme... L'établissement a pris un sérieux coup de jeune. « La clientèle habituelle n'était pas perdue, parce qu'elle nous connaissait déjà », poursuit Ombeline Génis. En 2025, l'enseigne fêtera ses 80 ans en compagnie des anciens propriétaires, dont Jean-Louis, père de Roger, qui a racheté la librairie dans les années 1960. S. L.

Le Porte-Plume à Saint-Malo : passage en douceur

Créé en 1930 à Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), le Porte-Plume n'était pas à vendre lorsque Pierre Garrigues, alors directeur financier dans une entreprise de cosmétiques, franchit ses portes en 2021. « J'y suis allé au culot, en expliquant à Patricia Martin (propriétaire depuis 2005, ndlr) que je cherchais une librairie à reprendre », raconte celui qui mûrissait ce projet depuis une dizaine d'années. « Nous avons fait le choix de transmettre le fonds de commerce, mais c'est plus lourd qu'une reprise de parts sociales parce qu'il faut tout recréer : les contrats avec les collectivités, les distributeurs et les prestataires », souligne le libraire (voir p. 40). L'acte de vente est signé en mars 2022, mais la passation se poursuit en douceur, sur plusieurs mois. « J'ai rouvert en mai 2022 après un mois de travaux, et Patricia m'a accompagné en tant que salariée à temps plein jusqu'à fin août 2022 », retrace Pierre Garrigues, qui avait auparavant effectué un stage au sein de la librairie, venant aussi travailler les samedis alors qu'il occupait encore son ancien poste. « Je ne connaissais pas le métier, et ce n'est pas avec deux semaines de formation qu'on l'apprend ! Par ailleurs, je voulais sécuriser la clientèle historique », explique-t-il. Si certains habitués ont bel et bien quitté le navire, un nouveau public, attiré par les rayons BD, mangas, et jeunesse, a désormais adopté ce commerce de proximité. Sous le regard bienveillant de Patricia Martin, qui habite toujours au-dessus de la librairie. S. L.

Librairie Le Passage à Alençon et maison d'édition jeunesse Møtus : coup double

Après vingt-cinq ans chez l'industriel Bosch, Pierre Lenganey a décidé en 2016 de tout plaquer pour retrouver son amour de jeunesse : le livre. " J'avais le projet d'acheter une librairie et, pourquoi pas, recréer une maison d'édition ", affirme celui qui avait déjà tenté l'aventure de l'édition indépendante en 1990. Échaudé par cette première expérience, il préfère opter pour une librairie. " Parmi les enseignes à vendre en Normandie, il y avait Le Passage à Alençon. Je l'ai visitée mi-2016. En octobre, nous sommes parvenus à un accord avec les propriétaires et j'ai ensuite dû monter tout un dossier financier car je n'avais alors pas les moyens de la racheter ", raconte Pierre Lenganey. Quelques mois plus tard, il crée la holding Les mots qui passent pour racheter la SAS Le Passage avec ses parts sociales et le stock. Il conserve l'équipe en place et, très vite, revoit l'espace et crée un poste de chargé de communication pour " offrir un maximum d'activités aux habitants et désacraliser l'image de la librairie ". C'est alors que son rêve d'édition reprend vie. Le fondateur de la maison jeunesse Møtus François David, qu'il connaît depuis les années 1990, lui confie " vouloir passer la main pour se concentrer sur l'écriture ". " Mais il ne voulait pas transmettre n'importe comment ni à n'importe qui. Je n'ai pas réfléchi et j'ai répondu dans la foulée que ce projet m'intéressait ", se souvient-il. Møtus existait alors sous une forme associative. Le libraire souhaitait en faire une société privée. Il l'a donc intégrée dans la SAS Le Passage avant de créer en juin dernier la SAS Graines de Plumes qui a racheté au Passage les éditions Møtus avec le nom de la marque, le stock et les contrats. Pourquoi deux sociétés distinctes ? " Cela devenait compliqué d'avoir au sein de la même société une activité librairie et une activité édition qui se développent toutes les deux ", explique Pierre Lenganey. C. L.

Librairie Tartinerie à Sarrant : au-delà des murs

Construite sur un modèle atypique, la librairie Tartinerie a vu le jour en 2000, à Sarrant (Gers), sous l'impulsion de Didier Bardy et Catherine Mitjana-Bardy. Festival d'illustration l'été, salons des plantes, colloques sur l'aménagement du territoire... Une grande partie de l'activité s'effectue hors les murs. Et c'est précisément sur l'un de ces événements qu'Hélène Bustos, alors journaliste chez Transrural initiatives, a rencontré Didier Bardy en 2009. « On se voyait ainsi deux à trois fois par an, puis je me suis rendue à la librairie pour la première fois en 2015. En 2018, ils ont commencé à parler de transmission. Nous sommes venus nous installer avec mon conjoint fin 2019 », se souvient celle qui a signé pour le rachat des parts sociales de cette SARL en mai 2020. « Ils étaient dans une volonté de transmission plus que de cession. Mais la passation sur le métier et sur l'esprit du lieu s'est aussi beaucoup faite grâce aux deux salariés qui étaient en poste et qui sont restés », rapporte Hélène Bustos. La transmission des réseaux et des multiples partenaires s'est cependant heurtée au Covid, se diluant dans le temps. « Il y a des acteurs locaux que je n'ai rencontrés qu'en 2021, souligne-t-elle. La difficulté majeure était de reprendre ce lieu créé par deux personnages charismatiques, des figures locales, et de continuer à faire vivre ça. » Pari relevé, puisque le lieu continue d'attirer, bien au-delà de ce village très dynamique de 400 habitants, situé à une heure de Toulouse. S. L.

Librairie Tartinerie à Sarrant : de père en fille

Juliette Picquier n'a jamais été très loin de la littérature, mais ne s'imaginait pas forcément devenir éditrice. En 2014, alors qu'elle commençait en Angleterre un doctorat de littérature comparée, son père Philippe, fondateur de la maison qui porte son nom, lui rend visite à l'occasion de la Foire de Londres. « Nous étions devant un stand, à boire un café, quand il m'a annoncé penser à la retraite, se souvient Juliette Picquier. Il m'a demandé si j'étais intéressée. » Quelques mois plus tard, la future éditrice rentre en France et rejoint la maison en janvier 2015. « Je ne pouvais pas lui fournir de réponse sans avoir mis les pieds dans l'eau. Alors, nous nous sommes donné un an pour savoir si j'étais faite pour ce métier et si j'y prenais goût », raconte-t-elle. L'année s'est transformée en deux ans, pendant lesquels Juliette Picquier parfait son apprentissage, explore tous les postes. Et finit par annoncer son intention de rester. « J'étais convaincue. Ce n'est pas tant mon père mais vraiment la maison qui m'a convaincue », affirme celle qui est officiellement devenue cogérante et directrice de la maison au second semestre 2020. « La transmission s'est naturellement faite sur le long terme. Il était important qu'on travaille ensemble pendant quelques années pour qu'il n'y ait pas de cassure, estime l'éditrice. Il fallait quand même que je fasse mes preuves et il aurait été dommage de me priver des 40 ans d'expérience de mon père. » Si Philippe Picquier reste cogérant de l'entreprise qu'il a fondée, il laisse une entière liberté à son héritière et se contente désormais de suivre quelques projets éditoriaux. « Maintenant, il a gagné le droit de ne faire que ce qui l'intéresse », sourit Juliette Picquier. C. L.

Construite sur un modèle atypique, la librairie Tartinerie a vu le jour en 2000, à Sarrant (Gers), sous l'impulsion de Didier Bardy et Catherine Mitjana-Bardy. Festival d'illustration l'été, salon des plantes, colloques sur l'aménagement du territoire... Une grande partie de l'activité s'effectue hors les murs. Et c'est précisément sur l'un de ces événements qu'Hélène Bustos, alors journaliste chez Transrural initiatives, a rencontré Didier Bardy en 2009. « On se voyait ainsi deux à trois fois par an, puis je me suis rendue à la librairie pour la première fois en 2015. En 2018, ils ont commencé à parler de transmission. Nous sommes venus nous installer avec mon conjoint fin 2019 », se souvient celle qui a signé pour le rachat des parts sociales de cette SARL en mai 2020. « Ils étaient dans une volonté de transmission plus que de cession. Mais la passation sur le métier et sur l'esprit du lieu s'est aussi beaucoup faite grâce aux deux salariés qui étaient en poste et qui sont restés », rapporte Hélène Bustos. La transmission des réseaux et des multiples partenaires s'est cependant heurtée au Covid, se diluant dans le temps. « Il y a des acteurs locaux que je n'ai rencontrés qu'en 2021, souligne-t-elle. La difficulté majeure était de reprendre ce lieu créé par deux personnages charismatiques, des figures locales, et de continuer à faire vivre ça. » Pari relevé, puisque le lieu continue d'attirer, bien au-delà de ce village dynamique de 400 habitants, situé à une heure de Toulouse. S. L.

Reprendre, c'est continuer ?

Directrice et cogérante de Picquier depuis 2020, Juliette Picquier est catégorique. « L'objectif d'une transmission est qu'il existe une continuité », affirme-t-elle. Pierre Lenganey, qui a repris Møtus en 2019, abonde : « Cela n'aurait aucun sens de racheter une maison avec une histoire et une ligne éditoriale pour faire un virage à 180°. Ce serait ridicule ! » Car tout l'intérêt de reprendre une maison, plutôt que d'en créer une est bien de « reprendre à la fois la marque, ses acquis et son potentiel », complète le consultant Laurent Delabouglise. Certes. Mais une reprise implique forcément un certain renouvellement. Les interlocuteurs interrogés sont formels : reprendre pour continuer, oui, mais pour réinventer, aussi. « Continuité et créativité vont de pair mais on ne peut pas faire les deux en même temps », tempère Juliette Picquier. Après avoir pris ses marques, elle a procédé à quelques évolutions. « Nous n'éditons plus de livres jeunesse, nous publions moins de titres par an et nous sommes ainsi, peut-être, devenus plus sélectifs dans nos choix », pointe-t-elle.

S'il est courant que les lignes bougent, le renouvellement peut aussi porter sur la vie même de la maison reprise. Après avoir ouvert le programme de Norma aux beaux-arts et aux catalogues raisonnés, les cogérants Matthieu Flory et Virginie Hagelauer ont souhaité « moderniser l'image de Norma sans la bouleverser ni la trahir » en changeant de logo et en renforçant leur communication sur les réseaux sociaux. Outre le lancement de deux collections en 2021, Pierre Lenganey a fait entrer Møtus dans une nouvelle ère. « Auparavant sous forme associative, la maison fonctionnait avec quelques bénévoles, explique-t-il. Quand je l'ai transformée en société par action simplifiée, j'ai constitué une petite équipe. » Il ne s'est pas arrêté là. « J'ai augmenté le volume de production de cinq à treize livres par an, je me suis entouré d'une agence pour la cession de droits à l'étranger ainsi que de l'agence de communication Mauvaise herbe, et nous avons rejoint le diffuseur-distributeur Harmonia Mundi en 2022 pour développer notre présence en librairie », détaille le gérant.

Porosité

La frontière entre création et continuité est parfois plus floue. « Nous sommes fidèles au catalogue qu'Eric Hazan a construit parce que c'est une ligne qu'on aime et sur laquelle nous avons toujours travaillé », affirme Jean Morisot. Devenu cogérant, avec Stella Magliani-Belkacem, de La Fabrique en 2017 après une dizaine d'années au sein de La Fabrique, l'éditeur estime avoir « tout appris » auprès du fondateur de la maison. Pour autant, « nous ne pouvons pas tout faire comme lui », reconnaît-il. Jean Morisot se souvient du moment où, en 2017, Eric Hazan leur a dit : « Le printemps 2019, c'est demain et c'est vous qui le faites. » « Jusqu'ici, s'il faisait la moue quand on lui présentait un projet, on laissait tomber. Cette phrase nous a mis un coup de pression et nous a poussés à plus défendre certains projets », raconte-t-il.

Arrivée lors de la préparation du septième ouvrage du catalogue de Diane de Selliers, qui en compte désormais trente-deux à raison d'une publication par an, Joséphine Barbereau est la « gardienne de l'âme de la maison », assure la fondatrice des éditions qui portent son nom. Si elle se souvient de la difficulté « de s'affirmer au début », Joséphine Barbereau a « l'impression de ne pas être pour rien dans la direction qu'a pris la maison depuis quelques années ». Mais difficile de pointer précisément l'apport de Joséphine Barbereau tellement les deux éditrices se comprennent en un regard et affirment avoir « coconstruit, ensemble, le catalogue ». Une évolution notable toutefois : Diane de Selliers s'apprête à changer de statut juridique pour passer, d'ici cet été, d'une société à responsabilité limitée (SARL) à une société par actions simplifiées (SAS) avec une entrée au capital de Joséphine Barbereau. Aux côtés de la directrice se forme par ailleurs un comité stratégique composé du gérant Stephan Chenderoff, de Diane de Selliers et de son fils Jean Vergès. Une manière d'assurer la continuité tout en se renouvelant. C. L.

Pascal Genêt Éditeur, consultant et universitaire : « Contrairement à l'édition, la librairie continue d'être attractive au Québec »

Après une vague de créations de maisons indépendantes dans les années 1980-1990, la question de la transmission de ces entreprises se pose aujourd'hui avec acuité dans l'Hexagone. Est-ce aussi le cas au Québec ?

Avec l'apparition d'une troisième génération de maisons dans les années 1960-1970, une nouvelle vague d'éditeurs a émergé au début des années 2000. Considérée comme la renaissance de la littérature québécoise, elle constitue le noyau dur de l'édition en termes de chiffre d'affaires et d'offre éditoriale. Parmi ces maisons, on peut citer Alto, La Pastèque ou La Peuplade. Contrairement à leurs prédécesseurs, cette nouvelle génération a souvent eu une première expérience professionnelle avant sa reconversion dans le monde du livre. La question de la transmission se pose donc déjà, oui.

À la lecture de votre contribution dans la revue Bibliodiversité, on se rend vite compte que la transmission des maisons québécoises est une gageure...

Le milieu du livre est très soutenu par les pouvoirs publics québécois. Rien qu'au niveau provincial, la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC) propose des programmes, dont l'aide au développement entrepreneurial, qui permet de prendre en charge jusqu'à 75 % des dépenses pour l'acheteur et le vendeur. Mais, de par sa situation économique, l'édition n'est pas un secteur qui attire. Il représente un risque financier phénoménal : nous sommes un petit marché dominé par les importations, notamment françaises. Par ailleurs, une maison d'édition constitue souvent le fonds de retraite de son fondateur ou sa fondatrice ; le système public de retraite n'étant pas du tout généreux ici. De nombreuses personnes préfèrent ainsi prendre le risque de créer leur propre structure plutôt que de reprendre une société existante. Mais, en contrepartie, il leur est plus difficile d'être agréé par le gouvernement et de pouvoir ensuite bénéficier des subventions publiques.

Et pour la librairie ?

Contrairement à l'édition, la librairie continue d'être attractive. Et elle reste un commerce. Malgré un investissement conséquent, il est plus simple et pas complètement hors de portée de reprendre un fonds de commerce. Pour la plupart d'entre elles, les librairies vivent de l'agrément du ministère de la Culture et des Communications. Cela leur permet d'accéder, là aussi, à un certain nombre d'aides et leur donne le droit de vendre aux institutions publiques locales. C'est souvent mieux de reprendre une librairie qui a déjà son agrément.

Dans Bibliodiversité, vous écrivez à propos de l'édition que « les groupes n'ont plus le monopole des stratégies de fusion des activités et de rachat favorisant les effets de concentration ». Observe-t-on de plus en plus de maisons indépendantes se racheter entre elles ?

Depuis les années 2010, des entreprises familiales reprennent en effet d'autres entreprises. C'est par exemple le cas d'Hurtubise qui a repris les éditions XYZ en 2009 ou Multimonde en 2015, ou de Somme toute qui a acheté les catalogues de Lévesque éditeur et Hamac. Ce phénomène est favorisé par le désintérêt des groupes.

La reprise en coopérative est un scénario possible de transmission pour la librairie. Ce modèle peut-il aussi être adapté pour l'édition ?

Le seul exemple d'entreprise ainsi cogéré auquel je pense est Écosociété. Mais c'est particulier parce que la maison est adossée à l'Institut pour une écosociété. Contrairement à la librairie, l'édition est une dictature. Elle est d'abord une question de vision qui dépasse rarement plus de deux personnes. Je trouve cela dommage car le Québec est l'un des pionniers en matière d'économie sociale : nous avons tellement de leviers qui permettraient d'aider à une reprise en coopérative avec un risque équivalent à zéro. C.L.

Éditions Norma : Trinité bien ordonnée

Après que sa fondatrice Maïté Hudry a discuté « de manière très informelle et amicale » avec l'un de ses auteurs Pierre-Emmanuel Martin-Vivier de sa volonté de transmettre son entreprise, l'idée a germé de reprendre les éditions Norma, spécialisées en beaux-arts, à trois. Aux côtés de l'éditeur Matthieu Flory, entré dans la maison en 2014 et devenu cogérant en 2021, sont arrivés Virginie Hagelauer, alors directrice commerciale chez Christie's, en tant que cogérante ainsi que Pierre-Emmanuel Martin-Vivier, en poste chez Christie's, dans le capital de l'entreprise. « Seul, je n'étais pas à même de reprendre et développer l'entreprise de manière satisfaisante. Cette transmission avait besoin de forces vives fraîches », estime Matthieu Flory. « N'étant pas éditeurs, nous voulions impérativement reprendre avec Mathieu. Son expérience est indispensable et nous ajoutons des compétences de gestion et administratives pour ma part, et des connaissances en histoire de l'art ainsi qu'un réseau pour Pierre-Emmanuel », ajoute Virginie Hagelauer. Restant propriétaire d'une part minoritaire des parts sociales de la maison qu'elle a fondée, Maïté Hudry a accompagné Matthieu Flory et Virginie Hagelauer pendant « une bonne année » pour assurer la transition. « L'idée était de »rassurer le marché« en quelque sorte. De montrer à nos interlocuteurs que cette transmission ne se faisait pas de manière brutale, mais qu'il y avait bien une pérennisation de ce qu'a créé Maïté Hudry », explique Matthieu Flory. Et encore aujourd'hui, si la responsabilité du planning éditorial échoit aux deux directeurs, la fondatrice de Norma  reste « très présente » dans la vie de la maison. C. L.

Les bons réflexes pour une transmission réussie 

Pour être efficace, la reprise ou la cession d'une maison ou librairie indépendante nécessite d'être soigneusement préparée. Les professionnels et experts interrogés pointent des questionnements et étapes primordiales à respecter au cours du processus.

1.Que vendre ?

La question est simple. Mais sa réponse complexe tant il existe de manières de transmettre son entreprise. Dans le cas des maisons d'édition, vendre une entreprise est par exemple différent de la cession d'une association. « Qui est propriétaire du fonds d'une maison d'édition associative ? Pas forcément la personne qui l'a créée. Mais l'association elle-même, explique le consultant Laurent Delabouglise. Comme tout bien appartenant à une association, ce fonds peut être valorisé mais non monnayable », poursuit-il. Et même dans une entreprise plus classique, peut-on transmettre des parts sociales, vendre l'intégralité de l'entreprise, céder une gérance ? Tout dépend de la forme de la société. De leur côté, les libraires peuvent procéder à une vente du fonds de commerce ou, là aussi, à celle de parts sociales. « Moins courant que le rachat du fonds de commerce, la seconde option est souvent une voie à privilégier pour les reprises en interne puisque ça peut être progressif et moins cher, avec l'avantage de récupérer l'intégralité des contrats et droits acquis par le cédant », indique Olivier Pennaneac'h, chargé de mission Économie à l'Agence du livre Provence-Alpes-Côte d'Azur.

2. Se faire accompagner

Outre les traditionnels avocats et experts comptables, des ressources sont à disposition des professionnels pour gérer au mieux les différentes étapes de cession et de reprise. À commencer par les agences régionales du livre, les directions régionales des Affaires culturelles ou des cabinets de conseil spécialisés. « Ils portent un autre regard sur le projet et permettent de faire une sorte d'audit pour s'assurer que celui-ci est viable », estime Pierre Lenganey, repreneur de la librairie Le Passage à Alençon et de la maison jeunesse Møtus. L'accompagnement peut aussi être financier. Un arsenal de dispositifs, essentiellement portés par le Centre national du livre (CNL) et l'Association pour le développement de la librairie de création (Adelc), s'est par exemple construit au fil des ans pour soutenir la reprise des librairies indépendantes. « Que ce soit à travers notre dispositif d'aide à l'investissement, progressivement consolidé, le fonds dédié constitué en 2008 et confié à l'Adelc, ou encore par le renforcement des aides en région, nous sommes armés pour concrétiser des projets de reprises », souligne le CNL, dont l'enveloppe annuelle de l'aide à l'investissement tourne autour de 2,5 millions d'euros, prêts à taux zéro (2/3 des aides) et subventions (1/3) confondus. Dans certains cas, ces apports cumulés peuvent représenter jusqu'à plus de 40 % des financements à mobiliser. « Sans ces soutiens, l'essentiel des dossiers de reprise et de transmission de librairies ne se ferait pas », affirme Guillaume Husson du Syndicat de la librairie française.

3.Évaluer le capital symbolique

Des méthodes de calcul existent pour mesurer la valeur économique d'une entreprise. Ce qui ne rend pas nécessairement l'exercice facile. Pour les sociétés du livre, cette valeur économique correspond par exemple à la valeur du patrimoine immobilier, aux stocks ou aux contrats. Mais à cette équation mathématique s'ajoutent de multiples inconnues appelées « capital symbolique ». Théorisé par Pierre Bourdieu, ce capital dépend d'une échelle de perception. Pour une maison d'édition, cela prend en compte la réputation de la marque, sa reconnaissance dans le milieu, ses succès ou encore les prix littéraires reçus. Pour les repreneurs, il est d'ailleurs important de « prendre en compte que la valeur symbolique représentée par les auteurs peut partir au moment de la vente et il est de leur responsabilité de s'assurer que les contrats seront toujours actifs après la vente », rappelle l'universitaire et éditeur Pascal Genêt. Du côté de la librairie, cette notion de capital symbolique existe aussi. « La librairie n'est pas un commerce lambda mais un commerce original avec une identité forte », affirme Laurent Delabouglise. Le consultant conseille ainsi de « voir comment l'enseigne s'inscrit dans son environnement et quelles sont ses relations avec les autres acteurs de son territoire », souvent garants d'une bonne santé économique.

4.(Se) former

Une période de tuilage est nécessaire pour former les repreneurs. Respectivement arrivés en 2008 et en 2011, Stella Magliani-Belkacem et Jean Morisot sont devenus cogérants de La Fabrique en 2018. Avant même que cette transmission ne soit effective, le fondateur de la maison Eric Hazan les a « toujours impliqués dans toutes les tâches. Il nous a tout appris : la fabrication, la gestion de la trésorerie, les relations avec les libraires, la communication avec la presse..., détaille Jean Morisot. Quand nous sommes devenus gérants, nous savions déjà faire tourner la maison sur tous ses aspects. » Si le repreneur ou la repreneuse est externe à l'entreprise, il est de bon ton de rester quelques mois ou années pour passer le flambeau. « Maïté Hudry (la fondatrice de Norma, ndlr) m'a appris le métier d'éditeur, le processus comptable et de gestion des comptes. Avec Matthieu Flory (le cogérant, ndlr), nous avons pu nous appuyer sur ses compétences », raconte la cogérante de Norma Virginie Hagelauer. Côté librairie, « il y a un vrai enjeu de formation que relève bien l'École de la librairie avec des cursus très adaptés, tant pour les salariés qui aspirent à devenir gérants, que pour les personnes en reconversion », considère Marion Baudoin, déléguée générale de l'association Chez mon libraire, en Auvergne-Rhône-Alpes. C. L. & S. L.

Librairie  reprendre, c'est créer

On ne mélange pas les créations avec les reprises. Que ce soit dans les dossiers reçus par les structures intervenant dans l'aide aux librairies, ou bien dans les statistiques, la distinction est maintenue. Ainsi apprend-on par le Syndicat de la librairie française que 336 projets de création et reprise ont été référencés sur le territoire entre 2019 et 2022, dont 38,5% de reprises*. 

Pour autant, reprendre, c'est aussi créer. « Parmi les différents types d'opérations que nous soutenons, les reprises et transmissions demeurent une priorité. Il s'agit avant toute chose de pérenniser le tissu existant, et souvent doublement puisque nous aidons non seulement la reprise d'un commerce mais aussi sa redynamisation à travers une nouvelle équipe. Laquelle va à la fois capitaliser sur les atouts de la librairie tout en la faisant évoluer, voire en la transformant très significativement », explique le CNL. 

Reprise collective

Le renouveau arrive parfois par le mode de reprise lui-même, notamment dans le cas d'une reprise par les salariés. Ces derniers peuvent par exemple constituer une holding de reprise, c'est-à-dire une société qui achètera progressivement les parts de la librairie.  « La reprise sous forme de sociétés coopératives est de plus en plus fréquente », constate par ailleurs Olivier Pennaneac'h, chargé de mission Économie du livre au sein de l'Agence régionale du livre Provence-Alpes-Côte d'Azur. Celle-ci peut alors se faire sous forme de SCOP (Société coopérative et participative) - les salariés possèdent au moins 51 % du capital - ou sous forme de SCIC (Société coopérative d'intérêt collectif), les « actionnaires » pouvant être des particuliers, des collectivités publiques, des partenaires privés, etc. 

C'est par exemple ce qui s'est produit à Brignoles (Var) où, faute de repreneurs pour Le Bateau blanc, la ville a racheté le fonds de commerce afin de le mettre à disposition d'une SCIC, qui s'est constituée en 2021 avec des acteurs locaux. Plus récemment, à Ribérac (Dordogne), les habitants se sont mobilisés pour sauver L'Arbre à palabres. C'est là aussi le montage d'une SCIC, dont les statuts ont été validés en février 2023, qui a permis d'assurer son avenir, les parts sociales étant partagées entre des clients, la communauté de communes et la ville de Ribérac. 

Coupes et synergie

Même en dehors de ces aventures collectives et alternatives, un changement à la tête d'une librairie est toujours synonyme de bouleversements. Et parfois d'inconfort, dans cette quête d'un juste équilibre entre continuité et réinvention. Longtemps, Valérie Horrenberger, gérante de L'Eau vive à Caen, a nourri « une sensation d'illégitimité par rapport à ce que (s)a belle-mère, fondatrice de l'enseigne en 1986, avait semé comme graines » dans le milieu de l'ésotérisme. « Il m'a fallu plusieurs années pour me sentir chez moi et faire évoluer l'assortiment afin de ne plus être uniquement estampillée librairie ésotérique », relate la libraire, actionnaire majoritaire de cette société depuis 2014, dont la créatrice détient encore 10 % des parts. 

Dans le cas d'une reprise par une personne extérieure, la rencontre peut aussi être déterminante dans l'évolution du lieu. « On s'est choisis mutuellement, on s'entend très bien », déclare ainsi Pierre Garrigues au sujet de Patricia Martin, l'ancienne propriétaire du Porte-Plume, à Saint-Malo (voir p. 32). « Je n'ai pas essayé de gommer ce qu'elle avait fait, je l'ai toujours mise en valeur pour qu'il y ait une synergie et que les clients le ressentent », explique cet ancien directeur financier, qui n'a cependant conservé qu'une petite partie du stock de sa prédécesseure, tout en créant un rayon BD/mangas et en multipliant par quatre le rayon jeunesse.

Un coup de jeune sur le fonds, donc, et sur la forme : rénovation, organisation de rencontres dans des cafés ou en entreprise, communication sur les réseaux sociaux... « Il faut préserver ce qui fait le succès de la librairie, mais aussi comprendre ce qui la dessert et ne pas hésiter à faire des coupes », conclut Pierre Garrigues, qui a fait grimper le chiffre d'affaires de près de 40 % depuis la reprise. S. L.

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