Roman noir/France 3 octobre Franz Bartelt

A la mort de son oncle Georges, le frère de son père, Julius Dump, un écrivain calamiteux et frustré, récupère ses archives. Il y est notamment question du village de Puffigny, un trou dans la campagne française. C'est là qu'un certain Nadereau se serait réfugié et fait oublier. Dans son intérêt : avec les deux frères Dump, commandités par un cardinal proche du Vatican, il avait participé à un braquage sanglant, dérobant un tableau particulièrement sulfureux : rien de moins qu'un portrait de Dieu peint avec le sang du Christ. Dans la fusillade, seuls deux malfrats ont pu s'échapper : Georges et Nadereau, qui à Puffigny était devenu Froucandot. Mais quid du tableau ? Julius, pour faire la lumière sur cette ténébreuse affaire, part s'y installer, et se mettre, sait-on jamais, à écrire. Pendant qu'il mène son enquête assisté d'Helnoute Ballo, un détective local aussi ringard que bonimenteur, des moines nervis d'un ordre mystérieux tentent eux aussi de mettre la main sur le tableau. L'œuvre d'art a-t-elle été enterrée en même temps que feu Froucandot, un vrai salaud détesté de tous ? Ou bien quelqu'un s'en est-il emparé ?

Et puis s'ajoute une autre affaire : la jeune Nadège Forton a disparu. Certains de ses effets ont été retrouvés dans une clairière, non loin de chez le vieux Ferruque, d'autres, compromettants (petite culotte et robe tachée de sang), dans sa maison même. Le barbon, décrit comme « pervers » par les deux meilleures amies de la victime présumée, a-t-il violé et/ou assassiné Nadège ?

C'est le chef des gendarmes Zouave Gambier qui investigue. Plutôt à charge, force est de le reconnaître. Il faut dire qu'il n'a pas la tâche facile. A Puffigny, tout le monde ment, les jeunes comme les anciens, les humbles comme les notables. Tout le monde épie et dénonce tout le monde, les calomnies pullulent, et tout ça fait d'excellents Français. Le maire, lui, Robert Mousse-Brayat, « avec (son) éloquence métaphorique et municipale » que n'aurait pas désavouée le regretté Pierre Dac, avoue : « A Puffigny, nous sommes diablement romanesques. » Bien vu.

Ce sont ces histoires imbriquées, plus quelques autres, qui vont nourrir le roman de Julius, lequel s'écrit au fur et à mesure de son enquête, dans une sorte de mise en abyme. Le héros et narrateur se laisse porter par le fil de l'histoire, mais en profite pour tomber amoureux de Juliette Lamotte, l'institutrice. Après un week-end à Honfleur, où ils feront une singulière rencontre, puis avoir éclairci le mystère du tableau, ils partiront de Puffigny, en « quatrelle kaki ». Le village retombera dans son apathie, puisqu'à Puffigny, « y'a rien ».

De ce rien, Franz Bartelt, avec sa virtuosité coutumière, a fait un polar rural et parodique, porté par une extraordinaire galerie de personnages aux noms évocateurs, comme Roguerse et Zerma, les vieux rockeurs (surtout elle), ou encore Lambrotin, qui sait tout sur tout et conseillera à Julius de « mettre du nazi partout » dans son roman, avant de mourir dans les bras de la compatissante Madame Gromard. Amen.

Franz Bartelt
Ah, les braves gens !
Seuil
Tirage: 8 000 ex.
Prix: 19 euros ; 288 p.
ISBN: 9782021432206

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