Insupportable. Assourdissant. Le silence qui entoure les violences sexuelles sur les enfants ajoute un poids sur les épaules des victimes, un sentiment de culpabilité ou d'anormalité, là où le traumatisme lui-même est déjà immense. Théa Rojzman et Sandrine Revel s'attaquent à ce délicat sujet par le biais du conte. Dans une ville imaginaire, l'usine de Grand Silence avale les cris de ces enfants que personne ne veut entendre. Ils n'ont alors d'autre choix que de grandir avec leurs blessures, voire devenir eux-mêmes des bourreaux pour mieux évacuer leur haine. Mais quand l'usine explose et que la vérité devient audible, c'est toute une société qui vacille.
Au gré d'un scénario à l'ambiance funèbre, les auteures oscillent entre la dureté du propos et la douceur du dessin. Sur un fil entre bande dessinée adulte et jeunesse. La sobriété du trait et la mise en couleur pastel sont remarquables et servent en tout point le récit : les bourreaux se teintent de rouge, les victimes de bleu et ceux qui passent de violés à violeurs se révèlent violets. Si les rebondissements sont un peu attendus et qu'un glissement vers une mièvrerie de conte de fées peut intervenir, Grand silence rétablit toujours l'équilibre. Car il vise juste et n'élude pas les sujets les plus graves, même avec ses figures de style. C'est donc à tous que s'adresse le livre, dans une lecture accompagnée pour les plus jeunes, et dans une lecture coup de poing pour les grands, qui n'auront qu'une chose à retenir : se taire, c'est tuer à petit feu.
Grand silence
Glénat
Tirage: 12 000 ex.
Prix: 23 € ; 128 p.
ISBN: 9782344041055