Entretien

Tatiana de Rosnay : « Une plongée dans l’intimité de Marilyn »

Tatiana de Rosnay - Photo Olivier Dion

Tatiana de Rosnay : « Une plongée dans l’intimité de Marilyn »

La franco-britannique Tatiana de Rosnay, qui écrit dans les deux langues, s'attache dans Poussière blonde (Albin Michel, en librairie le 8 février) au destin de Marilyn Monroe à la fin de sa vie. Une espèce de « portrait en creux » où elle a, « somme toute, inventé peu de choses », même si, contrairement à Daphné du Maurier (Manderley for ever, Albin Michel / Héloïse d’Ormesson, 2015) ou Tamara de Lempicka (Tamara par Tatiana, Michel Lafon, 2018), il s’agit bien de roman et non de biographie. Pour Livres-Hebdo, elle explique son projet, le processus de création, et son changement d’éditeur.

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Par Jean-Claude Perrier
Créé le 06.02.2024 à 11h24 ,
Mis à jour le 06.02.2024 à 19h01

Livres Hebdo : Dans vos remerciements à votre éditeur chez Albin Michel, Gérard de Cortanze, vous indiquez que le projet de Poussière blonde remonte à une dizaine d’années. Pourquoi si longtemps ?

Tatiana de Rosnay : En 2015, j’avais déjà travaillé avec Gérard de Cortanze pour Manderley for ever, et j’en avais été enchantée. C’est lui qui, ensuite, m’avait suggéré un livre sur Marilyn Monroe, une de mes idoles. Mais que dire de nouveau sur un personnage si connu, qui a fait l’objet de tant de livres ? Je n’y avais plus pensé jusqu’au confinement, où une idée m’est venue : un roman du regard de quelqu’un d’anonyme et d’ordinaire sur quelqu’un de célèbre et d’extraordinaire. Avec comme co-héroïne la jeune Française Pauline Bazelet, alors femme de ménage dans l’hôtel Mapes où résidait Marilyn, qui a accès à tout, le lit, les médicaments, les vêtements, voit tout, mais est tenue au secret, même vis-à-vis de sa mère. C’était une plongée dans l’intimité de Marilyn.

 

Une partie du livre, en flash-back, se déroule en 1960. Dans quelles circonstances ?

Sur le tournage de The Misfits (Les désaxés), de John Huston d’après Arthur Miller, dont Marilyn était encore la femme. Un film « maudit », devenu culte, mais qui fit un flop et porta la poisse à tout le monde : Clark Gable est mort avant sa sortie, Marylin deux ans plus tard, Montgomery Clift un peu après. Il a été tourné à Reno, Nevada. Mais Reno, ce n’est pas Hollywood, et le Mapes Hotel n’est pas le Beverly Hills ! C’est une période méconnue de la fin de la vie de Marilyn. Elle sortait de son escapade amoureuse avec Yves Montand et de deux tournages qui l’avaient laissée épuisée, brisée, au bout du rouleau. Sa rupture avec Arthur Miller, c’est, pour elle, le début de la fin : The Misfits est son dernier film achevé, et elle vit son avant-dernier été.

 

Comment avez-vous travaillé ?

Tout ce qui s’articule autour du Mapes, avec sa destruction le 30 janvier 2000, est vrai. De là vient l’expression « poussière blonde », lorsque le gratte-ciel s’est effondré sur lui-même. C’est là que l’équipe du film a résidé de fin juillet à octobre 1960. Je l’ai réinventé. J’ai travaillé un peu comme les scénaristes de The Crown. Je suis partie du vrai pour faire du faux qui semble vrai. Pauline est inventée, mais plausible.

 

Le cadre américain revêt une grande importance ?

Le livre, c’est d’abord un lieu, le Nevada, avec les mustangs et leur légende. Pauline est devenue vétérinaire. Quant à Commander, c’est mon premier héros animal, et un symbole du far-west. Je voulais cette ambiance western, et cette complicité entre les deux femmes, Marilyn et Pauline. Une rencontre qui va changer la vie de la jeune Française, vingt ans à l’époque.

 

Êtes-vous allée sur place ?

Jamais dans le Nevada, mais en Californie, voisine. Je suis même remontée à cheval pour l’occasion, et j’ai adoré ça.

 

Quelle Marilyn ressort de votre vision ?

Une Marilyn en filigrane, sur qui j’ai inventé assez peu de choses. C’était une fille de « petites gens », gentille, pas snob, généreuse, qui adorait les enfants et n’en avait pas eu, ainsi que les animaux. On se situe derrière la porte de la suite 614 du Mapes. Et c’est comme si je filmais Marilyn du point de vue de Pauline.

 

Avec ce livre, vous revenez chez Albin Michel. Pour de bon ?

C’est en effet une réinstallation chez Albin Michel, suite à la proposition de Gérard de Cortanze. Je ne suis pas partie fâchée de chez Héloïse d’Ormesson, chez qui j’ai publié neuf livres, plus deux en comptes à demi. J’ai aussi été très heureuse chez Robert Laffont. Mais j’avais envie de revenir dans une grosse maison, avec une structure. Ma décision a été prise il y a déjà deux ans. Et je n’ai signé, pour le moment, que pour ce livre. Et puis, j’ai demandé à Susanna Lea d’être désormais mon agent. Ce qui est nouveau pour moi. D’abord parce qu’elle est anglaise. C’est important à mes yeux : on se parle en franglais ! Et je trouve qu’elle a une baguette magique. Elle m’a prise seulement après avoir lu et aimé mon texte. Pas pour l’argent. Nous avons plein de projets ensemble. Le premier : la parution aux États-Unis de Blond Dust, la version de mon livre que j’ai écrite en même temps, en anglais. En 2025, chez l’éditeur Grand Central Publishing.

 

Tatiana de Rosnay, Poussière blonde, Albin Michel, 320 p., 21, 90 Euros, mise en vente le 8 février.

 

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