4 septembre > Poésie Japon

Les Japonais n’ayant pas les mêmes repères historiques que les Occidentaux, leur frontière entre "moderne" et "contemporain" est "assez floue", reconnaît Yagi Chûei, l’un des deux préfaciers de cette anthologie. Tandis que l’autre, Ooka Makoto, son maître d’œuvre, poète et passeur de poésie lui-même, traducteur passionné d’Eluard, tente de nous expliquer la façon dont ses confrères d’aujourd’hui se sont approprié les formes poétiques traditionnelles nipponnes, tanka ("poème japonais") ou waka ("poème court"), et même le fameux haïku classique (ou haïkaï), inspiré de son modèle chinois.

Ces nécessaires précisions apportées, et son occidentale lanterne quelque peu éclairée, le lecteur a hâte de musarder dans les allées de ce jardin japonais : 101 poèmes de 55 poètes, dont M. Makoto, classés en fonction de leur date de naissance, de 1913 pour Oikawa Hitoshi à 1955 pour Itô Hiromi. L’index, lui, est heureusement alphabétique. On déplore seulement que les éditeurs français n’aient pas ajouté de notices bio-bibliographiques sur les auteurs.

Ce qui frappe chez nombre d’entre eux, par-delà les différences et l’originalité de chacun, c’est la modernité de leur inspiration, la simplicité de leur expression, l’effacement du Japon traditionnel et de son folklore. Ainsi, Nakagiri Masao, mort en 1983, qui stigmatise le stakhanovisme de ses compatriotes : "Partout au Japon, il n’y a que des entreprises,/Alors dans les bars on ne parle que d’avancement et de mutations." Hasegawa Ryûsei (né en 1928), campe, lui, un terrassier "occupé aux plantations d’un jardin public", avec "ses yeux perçants […] grands ouverts sur le monde". Tandis qu’IIjima Kôichi (mort en 2013) évoque familièrement, sur le ton de la confidence, son séjour à l’étranger, son rapport à la poésie et le suicide de Paul Celan qui s’est jeté dans la Seine.

Cette anthologie est une belle invite à découvrir cette poésie japonaise moderne et contemporaine. Et comme la sélection des poèmes les plus récents date des années 1990, on aimerait bien que vienne une suite, avec 101 poèmes "post-modernes".

Jean-Claude Perrier

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