Montreuil

Sylvie Vassallo : "L’édition française de jeunesse est l’une des plus créatives du monde"

Sylvie Vassallo"Nous avons conservé cette année la gratuité les mercredi, jeudi et vendredi. L’entrée est à 5 euros le week-end, mais le visiteur reçoit en échange un Chèque-Lire de 4 euros à dépenser au salon." - Photo Olivier Dion

Sylvie Vassallo : "L’édition française de jeunesse est l’une des plus créatives du monde"

A la veille du 32e Salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil, du 30 novembre au 5 décembre, sa directrice Sylvie Vassallo en présente les grands axes et livre son regard sur un secteur éditorial dont elle est une observatrice des plus averties.

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Par Claude Combet,
Créé le 25.11.2016 à 00h34 ,
Mis à jour le 25.11.2016 à 15h22

A la tête du Salon du livre et de la presse jeunesse (SLPJ 93) depuis 2001, Sylvie Vassallo a dû faire face dans l’urgence, l’an dernier, aux conséquences des attentats du 13 novembre : suppressions des visites scolaires ; mesures lourdes de sécurité ; chute de la fréquentation de la manifestation. Un an plus tard, elle détaille les moyens qu’elle s’est donnés pour assurer le succès de la manifestation phare de la littérature pour la jeunesse en France et analyse l’évolution du secteur.

L’affiche du salon 2016.
Livres Hebdo - Les attentats du 13 novembre ont fortement perturbé le salon l’an dernier. Comment abordez-vous cette édition ?

Sylvie Vassallo - Notre idée est d’attirer dès le jeudi et le vendredi le public qui ne sait pas toujours que la manifestation est ouverte en dehors du week-end, comme nous l’avons fait l’an dernier en appelant les grands-parents à se substituer aux visites de classes. Pour cela, nous avons réduit le nombre des scolaires de 30 000 à 26 000, et conservé la gratuité les mercredi, jeudi et vendredi. L’entrée est à 5 euros le week-end, mais le visiteur reçoit en échange un Chèque-Lire de 4 euros à dépenser sur le salon. L’idée est d’inviter le public non seulement à découvrir la littérature de jeunesse mais aussi à participer aux activités culturelles sans qu’il soit pénalisé par le prix d’entrée.

Quelles mesures de sécurité prenez-vous ?

Nous avons affiné le dispositif : consignes extérieures gratuites pour les valises et les grands sacs, sacs transparents, portiques. Nous avons aussi doublé l’entrée réservée aux exposants, auteurs et illustrateurs inscrits au programme des rencontres et des dédicaces.

Les sorties restent interdites dans certaines écoles. Comment accueillerez-vous les scolaires ?

Certains établissements n’ont pas droit aux transports en commun, aussi avons-nous mis en place des navettes pour les écoles ou les villes avec lesquelles nous travaillons régulièrement. Nous avons aussi agrandi les quatre scènes afin d’accueillir encore plus d’enfants aux animations.

La topographie du salon semble plus concentrée.

La manifestation est plus lisible. Nous avons conçu quatre scènes, comme autant de pôles d’attraction : une scène littéraire portant sur les textes et les adaptations au cinéma ; une scène BD, au milieu des éditeurs du secteur, avec une soirée le samedi de 17 h à 19 h, pour rendre compte du poids de plus en plus important de la BD jeunesse ; une scène vocale en écho à tout ce qui bouge, théâtre, poésie, contes, livres audio ; et une scène des Pépites, consacrée à nos prix littéraires, qui ont changé cette année. Chacune est aménagée de façon à recevoir aussi bien des rencontres classiques que des lectures à trois voix ou des concerts dessinés. De l’intime autant que du spectaculaire.

Outre le Mïce (1), qu’avez-vous prévu sur le plan numérique ?

Au sein de la ruche Transbook, nous avons lancé un concours de critique littéraire, BookTube Power, sur le mode des youtubeurs : les jeunes voteront au salon pour élire la meilleure. Nous avons ouvert un portail d’applications numériques, PopApp. Et nous mettons en avant trois expériences d’éditeurs : la BD en réalité augmentée de Marc-Antoine Mathieu chez Delcourt, les "Histoires animées" d’Albin Michel Jeunesse et l’application Nathan Live avec ses compléments au livre. Le numérique continue de tâtonner parce que les modèles économiques, de création et de partenariat ne sont pas encore au point. Il obéit à une chaîne de production différente de celle du livre, et le monde de l’édition n’a pas encore trouvé la bonne voie. Ça reste expérimental, mais personne n’a lâché prise.

La cession de droits s’invite aussi au Mïce ?

Depuis quatre ans se développent les rencontres entre éditeurs et producteurs numériques ou audiovisuels, qui cherchent beaucoup à adapter. Toutes les chaînes de télévision sont là. Nous avons aussi de nouveaux partenariats avec Ubisoft, le producteur d’Assassin’s creed, et avec France Télévisions. La conférence du vendredi "De la page à l’écran" permet de réfléchir avec les éditeurs aux conditions de passage du papier à l’écran.

Vous dirigez le salon depuis 2001 : comment ont évolué vos relations avec les éditeurs ?

Nous avons gagné en confiance et en complicité. Il y a une plus grande compréhension mutuelle des raisons pour lesquelles ils se saisissent du salon et de la façon dont celui-ci répond à leurs besoins. Nous restons indépendants dans nos choix, notre direction artistique, notre regard, mais un équilibre s’est créé.

Comment voyez-vous se développer l’édition pour la jeunesse française ?

En quinze ans, j’ai vu l’explosion de la littérature pour les adolescents et la visibilité de ce public, et, à l’autre bout de la chaîne, l’extraordinaire inventivité des livres pour les tout-petits. Même si elle est marquée économiquement par les grands mouvements éditoriaux internationaux, l’édition française pour la jeunesse s’exprime dans toute sa variété. Quand on voyage à l’étranger, on réalise qu’elle est l’une des plus intéressantes au monde par sa créativité, par le soin que les éditeurs prennent et par l’exigence dont ils font preuve par rapport à l’enfant. Les auteurs et illustrateurs sont en phase avec les questionnements des enfants et des adolescents sur toutes les questions de société, d’égalité, de sexualité, de genre, qu’ils savent aborder de façon intelligente, responsable et ouverte.

Quels sont ses points faibles ?

Il y a trop de livres, ça devient un véritable handicap. On est noyés par la quantité et on peut perdre de vue la qualité des livres.

Que pensez-vous de l’évolution des bibliothèques, où le livre papier joue un rôle moins important qu’autrefois ?

La bibliothèque a évolué de façon positive et reste le lieu de la relation entre les différents supports de lecture. La place de la lecture pour les enfants et les adolescents ne se pose pas, mais la bibliothèque s’interroge davantage sur ses lecteurs, sur ses heures d’ouverture, sa capacité à accueillir de larges publics et à proposer des animations. J’ai été frappée par l’implication des bibliothèques dans la manifestation Partir en livre : elles ont répondu présent pour sortir de leurs murs et s’adapter à la lecture en plein air, alors qu’il s’agit d’une activité supplémentaire pour elles en période de sous-effectifs.

Les bibliothécaires sont aussi présents à Montreuil.

Le salon a une fonction de formation professionnelle. C’est aussi l’objectif de l’Ecole du livre de jeunesse que nous avons fondée et qui est utilisée autant par les bibliothécaires que par les libraires. Sur les 60 ateliers que nous proposons pendant l’année, les plus demandés sont ceux proposant des thématiques - les lectures des adolescents, la médiation des publics éloignés du livre, le numérique, les petites maisons d’édition (qu’ils ne peuvent pas toujours rencontrer). Notre regard sur l’évolution éditoriale et notre capacité à présenter en permanence des panoramas les intéressent.

Comment évolue votre budget ?

Il est stable, à quatre millions d’euros pour toutes nos activités, tout au long de l’année. Il couvre les trois champs d’intervention du SLPJ 93 : l’événementiel comme le Salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil ; Partir en livre, pour lequel nous sommes partenaires du CNL et avons conçu cette année un parc d’attractions littéraire à Pantin ; la formation dans le cadre de l’école, mais aussi en province ; enfin, la médiation littéraire pour laquelle nous accompagnons des opérations comme "Les petits champions de la lecture" dans le 93 pour la première fois cette année, des résidences d’auteurs dans les collèges de Seine-Saint-Denis, l’opération "Des livres à soi" pour former des parents non lecteurs et les emmener en librairie, sans oublier, la Biblio-connexion, une bibliothèque numérique de 20 albums (audio, langue des signes, etc.) diffusée aux publics en difficulté de lecture. Dans le cadre de la France invitée à la Foire du livre de Francfort 2017, le SLPJ réalisera aussi l’exposition jeunesse du pavillon français. Et nous lançons au salon, avec le ministère de la Culture, une grande enquête sur la place du livre dans les temps de loisirs collectifs de l’enfant.

(1) Marché international et interprofessionnel de la création pour enfants.

Les points forts du 32e Salon

 

Sélection d’animations parmi celles proposées par le Salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil.

 

Jeff Kinney, auteur du Journal d’un dégonflé, Seuil) qui sera présent au salon.- Photo POLITICS AND PROSE BOOKSTORE/CC BY SA 2.0

Des kakémonos pour les réfugiés. Réunis sous le mot d’ordre "Agissons ensemble pour les réfugiés", 40 éditeurs pour la jeunesse ont publié en 2015 Eux, c’est nous, avec un texte de Daniel Pennac, au profit des réfugiés, qu’ils relancent en cette fin d’année. Quatre kakémonos, avec des dessins de Serge Bloch, portant chacun un mot (réfugiés, urgence, solidarité, richesse) accueilleront les visiteurs.

Couverture du Livre le plus court du monde de Paul Cox (Seuil), l’un des illustrateurs de l’exposition "La règle et le jeu".- Photo PAUL COX/SEUIL
Le collectif d’auteurs Encrages s’y associe, organisant le 13 décembre une vente de dessins originaux.

Le thème "Sens dessus dessous". Pour Sylvie Vassallo, le thème "Sens dessus dessous" permet d’aborder les trois tendances propres à la littérature pour la jeunesse : "Une littérature qui accompagne les bouleversements de l’enfance et de l’adolescence ; qui porte aussi les grands bouleversements du monde ; qui permet aux jeunes de se situer et de trouver des réponses. Le salon s’intéresse aussi à l’objet livre en mouvement et à la façon dont le support de la fiction prend des formes différentes, voire hybride les genres."

L’exposition "La règle et le jeu". Sur le thème "La règle et le jeu", l’exposition rituelle rendra hommage aux précurseurs Bruno Munari et Warja Lavater et aux contemporains Paul Cox, Marion Bataille, Adrien Parlange et Matthias Picard. Sept artistes européens ont créé sous la contrainte du thème "Lire entre les lignes" et d’une forme imposée par Olivier Douzou. Il faudra découvrir la règle et les mécanismes de sept livres d’artiste exposés.

Des invités étrangers. Aux côtés des auteurs français vedettes, Fred Bernard et François Roca, Rébecca Dautremer, Timothée de Fombelle, Benjamin Lacombe ou Pef, plusieurs étrangers : Jeff Kinney (Journal d’un dégonflé, Seuil Jeunesse), Robert Muchamore (Cherub, Casterman), Meg Cabot (Journal de Mia, Hachette Romans), Cathy Cassidy (Rouge bonbon, Nathan Jeunesse), Rebecca Donovan (Et si…, PKJ), Amy Harmon (La loi du cœur, Robert Laffont), Matthew J. Kirby (Assassin’s creed, Bayard), Meg Rosoff (Au bout du voyage, Albin Michel Jeunesse), Will Mabbitt (Les improbables aventures de Mabel Jones, Nathan Jeunesse) et, pour la BD, Richard McGuire (Ici, Gallimard BD) et Lunlun Yamamoto (Ichiko et Niko, Kana)

La soirée BD. Auteurs de mangas, fresque réalisée en direct par les dessinateurs de Spirou pour les 60 ans de Gaston en 2017, nouveau prix BD jeunesse de l’Association des critiques et journalistes de bande dessinée (ACBD)… La BD sera à l’honneur avec une scène et une grande soirée le samedi 3 décembre de 17 h à 19 h.

Les Pépites. Disposant d’un lieu spécifique, la scène des Pépites, les célèbres récompenses du livre de jeunesse ont été repensées. La sélection compte 36 titres et les prix ne seront plus décernés par catégories mais par âges avec deux jurys : des lecteurs réunis par France Télévisions et des professionnel qui délivreront une Pépite d’or supplémentaire au meilleur album de l’année. Résultats le 30 novembre à 13 h, remise pendant l’inauguration.

Le salon Off. En partenariat avec la RATP, un salon Off sera proposé sous la forme d’un parcours dans 25 galeries et musées parisiens qui exposent de jeunes illustrateurs BD et jeunesse pendant toute la durée de la manifestation. d

L’agenda pro

Acteurs du numérique et éditeurs présenteront tout au long du Salon de Montreuil leurs dernières productions. Des conférences destinées aux professionnels et médiateurs de l’enfance sont proposées. En voici une sélection.

• Vendredi 2 décembre, de 9 h 30 à 12 h 45, Mïce, carré rouge : Conférence "From paper to screen : quels partenariats pour quelles écritures", dans le cadre du projet européen Transbook, avec des invités étrangers dont Matthew J. Kirby, l’auteur d’Assassin’s creed (Bayard).

• Vendredi 2 et samedi 3 décembre, Mïce, carré rouge : Les rendez-vous Tremplin, jeunes illustrateurs/directeurs artistiques.

• Mercredi 30 novembre et jeudi 1er décembre, Mïce, carré rouge : Marché international et interprofessionnel de la création pour enfants(Mïce), échange de droits audiovisuels et numériques, présentation innovations numériques.

• Lundi 5 décembre, 9 h 30, scène BD : Le livre-objet à cœur ouvert, Sophie Van der Linden (revue Hors cadre[s]) et Gaëlle Pelachaud (éditions Pyramyd).

• Lundi 5 décembre, 9 h 30, scène littéraire : Des livres à soi, un projet SLPJ 93 labellisé "La France s’engage".

• Lundi 5 décembre, 10 h 30, scène littéraire : Partir en livre, 3e édition, CNL.

• Lundi 5 décembre, 10 h 30, atelier Transbook : La traduction pour la jeunesse, un jeu d’enfant ?, ATLF.

• Lundi 5 décembre, 11 h 30, scène littéraire : Que se passe-t-il en centres de loisirs, autour du livre de jeunesse ?, les résultats d’une enquête initiée par le ministère de la Culture, menée par le Kerfad pour SLPJ 93.

• Lundi 5 décembre, 13 h 30, atelier Transbook : Education à l’image : les enjeux pour demain, Centre national du cinéma.

• Lundi 5 décembre, 13 h 30, scène des Pépites : De La Revue dessinée à Topo, le dessin comme nouvelle grammaire du journalisme.

• Lundi 5 décembre, 13 h 45, scène littéraire : Les démarches participatives en bibliothèque, ministère de la Culture et de la Communication.

• Lundi 5 décembre, 14 h 30, scène vocale : Yétili, le monde à travers le livre, l’album jeunesse à la télévision, France Télévisions/Darjeeling.

• Lundi 5 décembre, 15 h, atelier Transbook : Education aux médias et à l’information en bibliothèque, ministère de la Culture, ABF.

• Lundi 5 décembre, 15 h 15, scène des Pépites : La littérature jeunesse fait-elle vivre ses auteurs ?, Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse.

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