Octobre noir de Didier Daeninckx et Mako a remis il y a quelques mois en mémoire les massacres d'Algériens du 17 octobre 1961 à Paris. Dans l'ombre de Charonne fait aussi revivre par la BD celui qui a fait 9 morts et 250 blessés à la station de métro Charonne le 8 février 1962 sous les "bidules" (matraques) des compagnies de district de Maurice Papon, alors préfet de police de Paris lors d'une manifestation syndicale contre les attentats de l'OAS. Ceux-ci s'étaient intensifiés peu avant les accords d'Evian (19 mars) et l'indépendance de l'Algérie dont on fête cette année le cinquantenaire (5 juillet), indignant "une opinion publique française excédée », rappelle l'historien Benjamin Stora en préface.
Désirée et Alain Frappier reconstituent l'histoire de la manifestation par les yeux d'une jeune lycéenne communiste de 17 ans, Maryse Douek, qui y a miraculeusement échappé à la mort. Désirée Frappier a côtoyé depuis sa prime enfance celle qui deviendra universitaire et sociologue de l'immigration ouvrière. Les deux auteurs, qui signent là leur première bande dessinée, livrent son témoignage adossé à une enquête historique fouillée, mais aussi le portrait d'une époque et d'une génération de jeunes intellectuels. Le dessin d'Alain Frappier s'adapte en souplesse au propos tour à tour personnel ou didactique. Précis pour reconstituer une situation, plus stylisé pour une anecdote ou une conversation, il tend vers l'ambiance des films noirs des années 1950 pour les situations les plus dramatiques.
