Pour son deuxième roman, Christian Astolfi, l’auteur des Tambours de pierre (La Chambre d’échos, 2007), a choisi un thème éternel, celui des rapports d’un fils avec son père, racontés à la première personne. Mais la particularité de cette histoire, qui prend parfois les allures d’un conte onirique, c’est que le père qui vit à Marseille, rue des Convalescents, est « l’exécuteur en chef des arrêts criminels de la République ». En clair, le bourreau, le dernier d’une longue lignée.
Dès l’abord, on sait que le fils, même si les circonstances avaient été différentes, n’aurait jamais pris sa succession. Orphelin en 1964 d’une mère sensible et artiste, il a passé toute son enfance à l’ombre de la mort, mais surtout du non-dit. Dans «cecalme pesant des jours sans vie » où « la crainte dominait ». Car le dernier Sanson est, par nature et par fonction, un taiseux, un solitaire, un réprouvé, menant une vie parallèle que l’enfant perce peu à peu : il fréquente les prostituées, maltraite Daria, sa femme de peine, avant de la congédier, peut-être parce qu’elle s’était trop attachée. Tout cela nourrit, à l’égard de ce géniteur qu’il ne désigne jamais par « mon père », mais juste par « il », son mépris et sa rancœur.
Comme pour les exorciser, le narrateur a choisi une profession totalement différente. Il est ouvrier aux chantiers navals, travaillant à la découpe de métaux, et il aime son métier. Jusqu’au jour où, à la suite d’une faute d’inattention, sa main gauche est broyée, qui devra être amputée. Dans son cas, on n’échappe pas à son destin, ni à la guillotine.
Episode et tonalité symboliques, lesquels renforcent l’impression oppressante qui se dégage de ce roman bref aux chapitres courts, presque secs. Sans pathos, mais il y a des passages terribles, comme ce jour de 1977 où le bourreau annonce à son fils, « sur un ton presque anodin » : « Je pars aux Baumettes. Va t’habiller ! Tu m’accompagnes. » Exigeant ainsi que l’adolescent le suive, l’assiste durant son dernier office. Le récit par Christian Astolfi des préparatifs minutieux est un sommet de cruauté mentale qui fait froid dans le dos et rappelle Le pull-over rouge de Gilles Perrault ou Le roi des aulnes de Michel Tournier. Mêlant épisodes réels et fiction, Une peine capitale se lit comme un roman d’initiation très particulier, où tout tourne autour du secret, de la transmission. D’un homme, le père, dont on ne saura finalement presque rien.
Jean-Claude Perrier