Nomination

Sophie Kucoyanis prend la tête du département connaissance des éditions Gallimard

Sophie Kucoyanis - Photo Fayard

Sophie Kucoyanis prend la tête du département connaissance des éditions Gallimard

Les éditions Gallimard annoncent la nomination de Sophie Kucoyanis comme secrétaire générale en charge du département connaissance. Rencontre avec Antoine Gallimard et l’éditrice qui détaillent pour Livres Hebdo les priorités des collections essais et sciences humaines de la maison.

J’achète l’article 1.5 €

Par Jacques Braunstein
Créé le 11.10.2024 à 19h32

« Aujourd’hui on assiste à une interpénétration des savoirs, on ne peut plus ne parler que de sciences humaines ou seulement d’économie, ouvre Antoine Gallimard. Nous devons créer une constellation de différents types de savoirs, et non plus faire le point sur un sujet à un instant. Pour cela nous devons avoir des éditeurs de la nouvelle génération à même de tracer des chemins de traverse. » Et les éditions Gallimard d’annoncer la nomination de Sophie Kucoyanis comme secrétaire générale en charge du département connaissance qui regroupe notamment les sciences humaines et les essais.

Éric Vigne, fondateur de la collection « NRF Essais », prendra sa retraite à la fin de l’année, tout comme Marcel Gauchet, ancien rédacteur en chef de la revue Le Débat, et directeur de la bibliothèque de philosophie et de la bibliothèque des idées. Quant à Pierre Nora, figure historique de la maison et fondateur des collections « Bibliothèque des histoires » et « Bibliothèque des Sciences humaines », il continuera de s’occuper de celles-ci « tant qu’il le souhaite ».

« Un royaume des idées très écouté »

« Pierre Nora a publié Georges Duby, Michel Foucault ou les travaux de chercheurs anglo-saxons majeurs. Avec Marcel Gauchet, ils ont constitué un ensemble très neuf, un royaume des idées très écouté », se souvient Antoine Gallimard. Qui constate également que « le savoir universitaire a perdu aujourd’hui une partie de son rôle. Les achats des bibliothèques se sont réduits et les étudiants papillonnent d’un extrait à l’autre sur Internet, souvent confrontés à des difficultés financières. Tout cela a entouré la citadelle du savoir d’une espèce de brouillard qui complique la réception de nos livres. »

C’est pourquoi il a chargé Sophie Kucoyanis, éditrice passée par Fayard et jusqu’alors à la tête des sciences humaines en grande diffusion, de nouvelles responsabilités. Il s’agit à ses yeux d’initier une démarche innovante, « de permettre aux auteurs d’adopter des approches transversales, globales, ouvertes. »

Elle travaillera de manière concertée avec Julien Brocard, nommé responsable des collections de poche en sciences humaines, auparavant aux PUF. Elle insiste sur le fait que « ce qui a été créé par Pierre Nora n’a pas vocation à être effacé. Il s’agit de le prolonger et de le compléter. » Prenant l’exemple du féminisme, elle constate : « C’est aujourd’hui un champ mature. Si on se donne le temps, on peut trouver des textes extrêmement intéressants. Mais cela ne veut pas dire qu’il faille publier tout ce qu’on nous propose ni seulement cela. »

Éviter les livres de circonstance

Dans un monde « en train de s’effondrer sous nos yeux », elle convoque également l’exemple de la géopolitique. « On a aujourd’hui besoin de comprendre ce qui se passe, bien peu de journalistes sont capables de l’expliquer après un court séjour sur le terrain, alors que certains chercheurs creusent leurs sujets depuis des années. Il y a de la place pour les deux approches. » La maison publie d’ailleurs la revue Le Grand Continent, vivier d’universitaires spécialistes des questions géopolitiques.

C’est en évitant les livres de circonstance, en publiant des ouvrages éclairants que l’on attire les lecteurs en librairie. « Dans une époque qui est plus sensible que par le passé à la cause environnementale, j’aimerais que nos livres soient lus et durent et non qu’ils soient transformés en pâte à papier. »

« Accompagner les auteurs vers un large public »

Si Pierre Nora ou Marcel Gauchet avaient deux carrières en parallèle, à la fois universitaire et éditeur, Sophie Kucoyanis considère qu’aujourd’hui ce n’est plus possible. « Le métier d’éditeur est devenu plus concurrentiel. Les universitaires doivent publier constamment dans des revues à comité de lecture des travaux impossibles à remanier pour le grand public. Georges Duby ou Michel Foucault écrivaient remarquablement bien. Aujourd’hui il y a peu de jeunes auteurs qui écrivent ainsi, car l’université les contraint à aller sur des micro-sujets avec de macro-paginations. On doit donc leur désapprendre à jargonner. Ils sont également assommés de paperasse et, paradoxalement, ce sont parfois ceux qui sont en poste à l’étranger qui ont le temps de produire. » Les chercheurs peuvent aussi être des antennes, des apporteurs d’affaires ou devenir directeurs de collection.

Son métier, c’est par exemple de repérer de bonnes thèses et d’accompagner leurs auteurs jusqu’à ce qu’ils soient prêts à écrire un essai destiné à un large public. « Dans cette maison, nous pouvons dire : “Votre ouvrage sera meilleur dans un an, travaillez et nous vous attendrons” », affirme l’éditrice. Ajoutant qu’un chercheur « extrêmement efficace et performant » comme Hugo Micheron (La Colère et l'Oubli. Les démocraties face au jihadisme européen, Gallimard, 2023), a mis moins de 10 ans à arriver à cette maturité. « C’est une comète. »

Elle note également que la communication doit être fluide entre les collections et entre les formats. Certains textes de synthèse ont vocation à paraître directement en poche quand c’est à une clientèle d’étudiants qu’ils sont principalement destinés. C'est par exemple le cas de Pourquoi l’Empire ottoman d’Olivier Bouquet, publié en « Folio Histoire Inédit » en 2022, et qui s’est déjà vendu à 7 000 exemplaires. « Il faut utiliser tous les canaux possibles pour que le meilleur livre arrive aux lecteurs », conclut Sophie Kucoyanis.

Les dernières
actualités