Ugo Bienvenu s’est fait connaître par une adaptation pertinente, en noir et blanc, du chef-d’œuvre de David Vann, Sukkwan Island (Denoël Graphic, 2014, Folio, 2016). Il revient avec une œuvre beaucoup plus personnelle et plus ambitieuse aux couleurs pop et crues, saturée de jaune citron. Passé par l’école Estienne, le dessinateur s’est formé à l’animation à celle des Gobelins et au California Institute of the Arts. Il a réalisé de nombreux courts-métrages et clips, et cela se voit dans la forme et sur le fond de Paiement accepté.
Par un découpage très cinématographique, avec ellipses et brutales ruptures de rythme, Ugo Bienvenu met en scène dans un futur relativement proche (2058) un réalisateur raisonnablement déplaisant qui cherche à tourner, au terme de trente ans de carrière, le film qu’il a toujours rêvé de réaliser sans en trouver les moyens. Pour le financer, Charles Bernet doit suivre un parcours du combattant, prétexte pour l’auteur à une peinture acide des milieux du 7e Art, où s’entrecroisent ambitions et mesquineries dans une lutte féroce pour le pouvoir. Mais alors que le tournage peut enfin commencer, un accident de train le laisse paralysé. Il doit laisser son bébé à un assistant doué mais inexpérimenté, pas prêt dans tous les cas à se laisser dicter ce qui devient désormais son propre film. Ugo Bienvenu mène son récit avec une espièglerie réjouissante, donnant à ses personnages les visages de figures connues, de Donald Trump à son éditeur Jean-Luc Fromental, qui joue le rôle d’un mystérieux joueur de Scrabble.
Fabrice Piault