La mort d’un parent entraîne un chamboulement. Un sentiment vécu par Max Porter lorsqu’il perd son père à 6 ans. Né en 1981, il est éditeur chez Granta. Son entrée en littérature est fracassante, tant il évoque Thanatos sans pathos. Un condensé d’oralité poétique, oscillant entre la fable et le songe d’une nuit, qui frappe les êtres endeuillés. "On savait qu’on nous répondait pas la vérité quand on demandait "elle est où maman", quelque chose était plus pareil."
A commencer par leur Papa, qui croule sous ce rôle devenu soudain trop grand pour lui. Dans leur appartement londonien, chaque recoin reflète cette "Maman morte. Crac-tac-plac, toute la chambre étouffait sous le deuil." Une ambiance d’absence et de manque, où grandissent deux Garçons, sans nom. Ces "adorables bagarreurs" scrutent "Londres et Londres [leur] offrait des mères possibles". Il est pourtant crucial de poursuivre le quotidien. Chacun encaisse le chagrin à sa façon. Or voilà qu’intervient un personnage inattendu, le Corbeau. Capable de "manger la tristesse", il veut "traquer le deuil un sandwich à la main". Il s’impose dans leur vie, en avouant que "les humains [l’]ennuient sauf dans la douleur". C’est là que le père et ses garçons se révèlent. Ils trouvent du réconfort auprès de ce compagnon de peine. Terriblement drôle, ce poète dans l’âme incarne-t-il une conscience croassant ou un double inavoué de chacun ? Peu importe, il nous offre une superbe leçon de consolation. "Tourner la page, le concept, c’est pour les idiots, toute personne sensée sait que la douleur est un projet à long terme." La perte d’un être aimé est irrémédiable, or elle peut être palliée en ravivant sa mémoire.
A travers cette histoire, Max Porter parvient à nous émouvoir. Sa plume bigarrée semble chuchoter : "soyez sages et écoutez les oiseaux". K. E.