L’ insécurité est en hausse. En tout cas en matière de contrat d’édition. L e 30 septembre dernier, le tribunal de grande instance de Paris a dangereusement dépecé trois spécimens, pourtant conformes à ceux que pratique l’édition française pour une fois unanime... Passons rapidement sur les détails périphériques. Un auteur se plaint de son éditeur, chez qui il a signé trois livres, en invoquant quelques-uns des griefs rabâchés depuis plus de cinq siècles que l’imprimerie est apparue, dont la célèbre antienne : « Les redditions de comptes lui apparaissent incohérentes. ». Ne manquait à la procédure et à ce lamento bien connu que l’argument des livres mal exploités au motif que la concierge de la cousine ne les avait pas trouvés en piles à la caisse du Relay de la gare de La Bourboule. Le point qui nous préoccupe ici porte sur les pourcentages visés aux contrats. Il était — logiquement — stipulé que la rémunération de l’auteur serait diminuée en cas d’  « édition reliée », « comprenant des illustrations » ou encore « publiée en poche par le même éditeur » . Un mécanisme semblable, plus que classique, avait été convenu dans l’hypothèse d’un « marché spécial ou conclu à un taux de remise supérieur ou égal à 50 % sur le prix public » . Les juges, saisis de la validité de ces clauses, se sont fendu d’une jurisprudence déconcertante : ils ont estimé que les diminutions prévues au contrat pour les situations spécifiques « tendent à faire assumer à l’auteur des charges qui ne lui incombent pas » . De plus, la prise en compte du « pourcentage prévisible de retours » est annulée, sans plus de précisions si ce n’est qu’elle serait, elle-aussi, contraire au principe de la rémunération fondée sur le prix public ! En résumé, l’éditeur se voit soudainement blâmé pour une pratique qui, jusqu’ici, n’avait jamais été sanctionnée et qui correspond, non seulement aux usages professionnels, mais surtout à une logique économique ne spoliant pas l’auteur. Celui-ci se voit en effet associé à tout support, et reçoit un pourcentage dont la base de départ reste le prix public. En revanche, sa sentence délivrée laconiquement, le tribunal n’a pas estimé nécessaire d’indiquer le mode d’emploi. Il faut donc deviner entre les lignes que, pour être légale, chaque exploitation doit donner lieu à un pourcentage exprimé en un seul chiffre, et non en un abattement sur le pourcentage de référence mentionné expressément. C ertes, l’affaire est aujourd’hui en appel. Le jugement a cependant été rendu par la troisième chambre du tribunal de Paris, qui est supposée ne traiter que de propriété intellectuelle, mais se voit par surcroît fixer cette mission au détriment de nombreux autres tribunaux de grande instance (voir « Les ressorts sont fixés » ). En clair, amis éditeurs, n’ayez pas si confiance en la justice de votre pays. Et gardez espérance en celle de la cour d’appel de Paris quand elle tranchera à son tour.
15.10 2013

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