Justice

"Sarko s'est tuer" : le jugement mis en délibéré au 9 juillet

François Fillon. - Photo Marie-Lan Nguyen

"Sarko s'est tuer" : le jugement mis en délibéré au 9 juillet

A la suite de la publication de Sarko s'est tuer, en novembre dernier chez Stock, François Fillon poursuit le secrétaire général de l'Elysée Jean-Pierre Jouyet, les journalistes du Monde Gérard Davet et Fabrice Lhomme, ainsi que leur journal et leur éditeur pour "diffamation". Au terme d'une audience de plus dix heures hier, le jugement a été mis en délibéré au 9 juillet.

Par Marine Durand,
avec avec AFP Créé le 29.05.2015 à 18h09

C'est une affaire "complexe", une "situation inédite", de l'aveu de la procureure Annabelle Philippe, qu'ont eue à examiner jeudi 28 mai les juges de la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris.

Démentant être intervenu pour demander une accélération des procédures judiciaires contre Nicolas Sarkozy, l'ex-Premier ministre François Fillon poursuit en diffamation le secrétaire général de l'Elysée Jean-Pierre Jouyet, les journalistes du Monde Gérard Davet et Fabrice Lhomme, ainsi que leur journal et leur éditeur, Stock, ayant fait paraître le 5 novembre 2014 l'essai Sarko s'est tuer.

Le caractère politique de l'affaire avait ramené une dizaine de journalistes sur les bancs de la presse, ainsi qu'une cinquantaine de personnes dans le public (dont le journaliste Philippe Bouvard), s'amenuisant au fil de ce procès marathon qui a laissé juges, avocats et parties épuisés. Au cœur de l'affaire, Jean-Pierre Jouyet a lui brillé par son absence, représenté par son conseil Me Jean Veil.

"Service commandé"

L'affaire éclate en novembre dernier. Dans le quotidien du soir et dans leur livre Sarko s'est tuer, les deux journalistes affirment que, lors d'un déjeuner à Paris le 24 juin 2014, François Fillon a demandé à Jean-Pierre Jouyet que l'Elysée accélère les poursuites contre l'ancien président pour entraver son retour. Démentis immédiats, à l'époque, de l'ex-Premier ministre et du secrétaire général de l'Elysée.

Répondant au démenti de celui qu'ils ont interrogé le 20 septembre, à l'Elysée, lors des Journées du patrimoine, Gérard Davet et Fabrice Lhomme diffusent alors un enregistrement tronqué de leur entretien avec Jean-Pierre Jouyet ne laissant que peu de place au doute: le secrétaire général de l'Elysée est alors obligé d'admettre, dans un second communiqué à l'AFP le 9 novembre, avoir évoqué avec François Fillon lors de ce déjeuner l'affaire des pénalités infligées en décembre 2012 à Nicolas Sarkozy après le rejet de ses comptes de campagne.

Ce fameux déjeuner ainsi que l'enregistrement de l'entretien du 20 septembre ont occupé tous les débats ce jeudi au tribunal, la défense de François Fillon s'attachant à démontrer que tout cela n'était qu'une "opération" visant à le "décrédibiliser" et à "semer la zizanie à l'intérieur de (sa) famille politique" alors qu'il vise la candidature à la présidentielle de 2017 face à Nicolas Sarkozy. Entendu par la présidente de la cour, Fabienne Siredy-Garnier, l'ancien Premier ministre a même émis l'hypothèse que Jean-Pierre Jouyet, de qui il est un proche, était en "service commandé". Lisant une déclaration écrite, il a assuré qu'il n'avait "jamais […] fait pression, tenté de faire pression […] sur le système judiciaire", ni envisagé de le faire.

Le troisième homme présent le 24 juin, Antoine Gosset-Grainville, ami de Jean-Pierre Jouyet et de François Fillon, défend la version de ce dernier. Cité comme témoin jeudi, raide à la barre, il a assuré que les "affaires" n'avaient pas été évoquées lors du déjeuner.

La procureure requiert la relaxe

Si l'audience a repris à 15h, ce n'est qu'en fin d'après-midi que l'enregistrement de Jean-Pierre Jouyet, fourni par Fabrice Lhomme et Gérard Davet, a été diffusé dans la 17e chambre. La présidente de la cour a auparavant passé de longues heures à interroger les deux parties pour tenter de déterminer si François Fillon, comme l'affirment les deux journalistes, savait au moment du déjeuner (le mardi 24 juin à 13h) qu'une procédure judiciaire pouvait être intentée, et donc accélérée, contre Nicolas Sarkozy dans l'affaire des pénalités, ou si, comme l'affirme l'ex-Premier ministre, il n'a été informé par ses collaborateurs que le 24 juin à 18h.

Dans une cour silencieuse et devant un François Fillon fixant délibérément ses pieds, ont retenti les 9 minutes de conversation entre les deux journalistes et Jean-Pierre Jouyet, dans lesquelles on entend ce dernier affirmer que M. Fillon l'aurait exhorté à "taper vite" pour contrer Nicolas Sarkozy. Ces propos du secrétaire général de l'Elysée ont d'ailleurs été qualifiés de "non équivoques" et "sans ambiguïté" par la procureure au moment des réquisitions.

Après avoir rappelé en préambule que "ni la politique, ni le journalisme, ni même l'image de la justice ne sortaient grandis" de cette affaire, Annabelle Philippe a requis, sans prononcer le mot, la relaxe des prévenus. La responsabilité de Jean-Pierre Jouyet ne peut être retenue, car "on n'a pas les moyens de dire que M. Jouyet a participé en son nom propre à la diffusion de l'information", a fait valoir la magistrate, avant d'indiquer que les journalistes devaient selon elle bénéficier de la "bonne foi" car leur enregistrement pouvait être considéré comme "une base factuelle suffisante".

"Procédure totalement abusive"

Les différents avocats des parties civiles ont ensuite plaidé pendant près de 3 heures, la parole étant laissée à Me Jean Veil, qui a brièvement rappelé le parcours de Jean-Pierre Jouyet avant d'évoquer le passé de "gaffeur" de son client. Affirmant que Jean-Pierre Jouyet avait été enregistré à son insu, ce que contestent Davet et Lhomme, l'avocat a expliqué que ces derniers avaient "abusé du propos" du secrétaire général de l'Elysée, un homme "pas fait pour parler à des journalistes".

Christophe Bigot, Marie Burguburu et François Saint-Pierre, assurant la défense des journalistes, de Stock et du Monde, ont enfin plaidé à leur tour, tentant, entre autres, de prouver les "mensonges" de François Fillon dans cette affaire. Promettant de "faire court", Me Saint-Pierre, le dernier à s'exprimer, a dénoncé une procédure "totalement abusive", estimant que François Fillon avait "utilisé ce procès" pour se "justifier" vis-à-vis de Nicolas Sarkozy.

Le jugement a été mis en délibéré par la cour au 9 juillet à 13h30.

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