Des femmes de Srebrenica ont protesté mardi 5 novembre, devant l'ambassade de Suède à Sarajevo contre l'attribution du prix Nobel de littérature 2019 à l'écrivain autrichien Peter Handke, en raison de ses positions pro-serbes pendant les guerres des années 1990, dans l'ex-Yougoslavie.
L'Académie suédoise a annoncé en octobre la consécration de l'œuvre de Peter Handke, qualifié d'"héritier de Goethe", mais dont les positions pro-serbes pendant le conflit avaient suscité de violentes polémiques par le passé.
La remise des prix Nobel aura lieu le 10 décembre, jour de l'anniversaire de la mort d'Alfred Nobel. Les manifestantes de Srebrenica, ville de Bosnie orientale qui fut le théâtre du pire massacre commis pendant la guerre intercommunautaire de Bosnie (1992-1995), ont dit espérer que l'Académie suédoise reviendrait d'ici là sur sa décision.
"Une honte à la civilisation"
Certaines brandissaient des photocopies d'une photo de Peter Handke à Srebrenica prise, selon elles, au "printemps 1996", quelques mois après le massacre de quelque 8000 hommes et adolescents bosniaques (musulmans) par les forces serbes de Bosnie, en juillet 1995. L'écrivain y pose à côté d'un panneau à l'entrée de la ville.
Après un bref rassemblement, elles ont remis à l'ambassadeur de Suède une lettre pour le couple royal suédois qu'elles invitent à "empêcher une honte, non seulement du peuple suédois", mais aussi "une honte de la civilisation". Dans la missive, elles expliquent notamment que "le combat contre les négationnistes du génocide est le pire des combats". Puis d’affirmer : "Le prix Nobel à Handke est un soutien à notre humiliation" par des négationnistes.
"Nous nous sommes rassemblées (...) pour leur dire que nous ne sommes pas d'accord avec l'attribution du prix à un de ceux qui soutenaient le crime et le génocide (...), et qui sont du côté du crime", a déclaré devant la presse Munira Subasic, présidente d'une association des mères de Srebrebnica. "Le déni du génocide et le soutien au crime sont la dernière phase du génocide", a renchéri une autre veuve, Kada Hotic.
En 1996, un an après la fin des conflits en Bosnie et en Croatie, Peter Handke avait publié un pamphlet, Justice pour la Serbie, qui avait suscité la polémique. Trois ans plus tard, l'auteur âgé de 76 ans, qui réside près de Paris, avait condamné les bombardements occidentaux sur la Serbie, menés pour forcer Slobodan Milosevic, homme fort de Belgrade durant toute cette période, à retirer ses troupes du Kosovo. Il s'était en outre rendu en 2006 aux funérailles du chef d’Etat, décédé avant d'entendre son verdict pour crimes de guerre devant la cour de justice internationale.