On se rejoignait secrètement la nuit pour n’éveiller aucun soupçon", se rappelle Sarah Waters. Ses premières années à l’université de Kent ont correspondu pour l’auteure née en 1966 au pays de Galles à sa première vraie histoire avec une fille. De cette période "dans le placard" lorsqu’elle et son amie de l’époque partageaient une maison avec d’autres étudiants, Sarah rigole encore. La discrétion était de mise, l’Angleterre des années 1980 n’était pas celle d’aujourd’hui, qui vient de légiférer en faveur du mariage pour tous.
Méandres sentimentaux
Personnellement, elle ne se souvient "pas d’abîme d’angoisse, à l’adolescence", elle avait été "un vrai garçon manqué", eut même une phase "girlie"… Elle a toujours vécu sa sexualité "très naturellement". Ainsi de ses personnages féminins, assumant si pleinement leur désir pour le même sexe que cette sexualité, tout en faisant partie intégrante du livre, nous plonge avec beaucoup de naturel dans leurs méandres sentimentaux et bien au-delà d’une quelconque revendication sexuelle.
Sarah Waters s’est fait connaître en 1998 avec un premier roman, Caresser le velours, Tipping the velvet en anglais, argot victorien pour désigner le cunnilingus. Sa thèse portait sur "Le roman historique gay et lesbien de 1870 à nos jours". Waters aime l’Histoire, surtout la petite histoire derrière la grande, les marginaux, les gens de peu ou la petite-bourgeoisie… Ronde de nuit était l’autre versant du récit héroïque des années 1940.
Dans son nouveau roman, Derrière la porte, elle s’attaque aux années 1920 qu’elle connaissait "fort mal", autre période charnière où la hiérarchie sociale avait été ébranlée par la Grande Guerre. C’est une affaire criminelle qui lui en donna l’idée : l’affaire Edith Thompson et Frederick Bywaters, une épouse malheureuse et son amant condamnés à la pendaison pour le meurtre du mari. "Il s’agissait plus d’un accident que d’un crime prémédité. Ce qui m’a fascinée, c’est comment des gens totalement ordinaires dont personne n’aurait entendu parler ont vu leur existence basculer en tragédie… Et je me suis dit : Et si l’amant était une femme." Frances, "vieille fille" vivant avec sa mère, tombe éperdument amoureuse de la locataire, Lilian, pas très épanouie dans son mariage…
Chez Waters, l’amour est une intrigue haletante dont on ne cesse de tourner les pages. Sean J. Rose
Sarah Waters
Derrière la porte
Trad. de l’anglais par Alain Defossé
Denoël
Prix : 24,90 €, 524 p.
Sortie : 10 avril
ISBN : 978-2-207-11896-2