Comme la plupart des écrivains, Sabyl Ghoussoub utilise dans ses romans des éléments de son histoire personnelle. Autofiction, peut-être, « mais je triche plus que je ne dis la vérité », reconnaît-il. Et de citer en exemple la première page de son premier roman, Le nez juif, paru à L'antilope en 2018. « Jamais ma mère ne m'a dit que j'étais moche et que j'avais un gros nez ! » De même, le point de départ de son deuxième, Beyrouth entre parenthèses, c'est l'histoire d'un Libanais qui s'en va visiter Israël. Impensable : le Pays du cèdre et l'Etat hébreu sont toujours officiellement en guerre depuis 1967. Et le sujet est tabou au Liban, notamment dans le cinéma, « comme la religion et la femme libanaise nue », s'amuse Ghoussoub. De par ses origines, et ses goûts personnels, il a « besoin de sauter les frontières », qu'elles soient géographiques, morales ou artistiques. Notre homme est un touche-à-tout doué, qui s'est essayé au théâtre, à la photo, à la musique, au cinéma, à la littérature, avant de se concentrer aujourd'hui sur des projets précis : l'écriture, et l'organisation d'expositions de photographies, en tant que commissaire.
Explorer tous les possibles
Multiculturel par essence, Sabyl Ghoussoub est né à Paris, dans une famille libanaise chrétienne qui s'était installée en France, provisoirement, en 1975. Elle y vit toujours ! Il a reçu une éducation très libre, maronite, catholique (il a fait ses études dans l'enseignement libre, comme le héros du Nez juif), tout en s'intéressant de près à la culture juive et à Israël, « parce que les relations avec Israël sont la question centrale pour comprendre l'histoire du Liban et de tout le Proche-Orient ».
Il a passé sa jeunesse à Paris, jeune homme pressé d'explorer tous les possibles, au grand dam de ses parents. Puis il est parti s'installer au Liban, là où vit toujours le reste de sa famille, et où il avait déjà effectué de nombreux séjours, et il est devenu directeur du Festival du cinéma libanais à Beyrouth, créé après la guerre civile avec l'aide de l'Institut français, qui fut le premier à montrer des films réalisés par des cinéastes libanais, puis d'autres pays arabes. « Le cinéma, dit-il, occupe une place très importante dans la culture du Liban, et du monde arabe en général ». Sa tâche le passionne, mais l'absorbe complètement.
Aussi, en 2015, se retrouvant dans « une impasse à la fois professionnelle, personnelle et financière », il regagne Paris, cet autre Beyrouth, et se lance dans l'écriture. Grâce à son expérience du journalisme, des blogs, de la rédaction de scénarios (« au moins vingt films, qui ne se sont jamais faits ! »), il rédige Le nez juif, « comme un film à saynètes de Nanni Moretti », le fait passer à quelques amis, et le manuscrit finit par être accepté à L'antilope, petite maison spécialisée dans le monde juif, mais sans barrières. La preuve ! Le livre suscite des réactions passionnées, et se classe parmi les meilleures ventes au Liban. « Là-bas, en français ou en anglais, explique Ghoussoub, on peut s'exprimer plus librement qu'en arabe ». Il récidive aujourd'hui avec ce deuxième livre transgressif, dont il ignore comment il sera reçu au Liban. Tout en travaillant au prochain, qui sera très ancré dans l'histoire de son pays d'origine. Et de conclure : « Et j'ai en tête mes quatre prochains romans, tout en préparant quelques expositions de photos ».
Beyrouth entre parenthèses
L’Antilope
Tirage: 3 300 ex.
Prix: 16 euros
ISBN: 9782379510274
En dates
1988
Naissance à Paris.
2010
Part vivre au Liban.
2012
Participe à une exposition collective de photos à New York.
2012-2015
Directeur du Festival du film libanais à Beyrouth.
2018
Commence à tenir un blog dans « Libération ». Publie son premier roman, « Le nez juif. »