23 août > Roman France > Gwenaëlle Aubry

Quatre femmes dans quatre chambres d’une maison "perdue au bord d’une rivière, sous de vieux arbres nus", portant le nom de "Folie, du latin folia, feuille". Quatre femmes en fuite qui ont trouvé refuge chez "L." qui va les accueillir pendant un an, de janvier 2015 à janvier 2016. Une rock star anglaise, une sculptrice grecque, une comédienne parisienne et une danseuse à Berlin qui vont partager ce lieu asile et raconter leur histoire.

Elles ne veulent pas qu’on dise d’elles qu’elles sont artistes. L’art pourtant est ce qui les a construites, ce qui a canalisé leur énergie vitale, donné forme à leur cri, leur profonde révolte. Cet art viscéral avec lequel elles ont rompu aussi, brutalement. Sur les champs de bataille de chacune d’elles, il y a des hommes intensément désirés. Et un graffiti sur un mur, trois lettres calligraphiées, comme un message commun aux interprétations multiples. L’hôtesse qui a ouvert sa porte à ces quatre "runaways girls" les décrit ainsi: "L’envers et l’endroit, elles distinguent mal. Elles portent leur peau comme un gant retourné. A l’intérieur d’elles, je vois : des empreintes, beaucoup d’empreintes. Des fêtes somptueuses et des tas de cendres. Un Non acharné. Elles sont très belles (ou l’ont été). Elles sont maladivement jeunes. Elles ne veulent pas plaire (elles font tout pour déplaire) : juste être aimées, juste absolument aimées. Et alors se donner tout entières et tout droit."

La philosophe romancière Gwenaëlle Aubry écrit une nouvelle fois avec ce son travaillé à l’oreille, ardent, poétique, syncopé, sur les femmes qui dévissent, qui chutent. L’auteure de Lazare mon amour (L’Iconoclaste, 2016), une évocation de Sylvia Plath, et de Perséphone 2014 (Mercure de France, 2016), "une mythobiographie", disait-elle, accompagne dans leurs élans et leurs gouffres ces héroïnes d’excès, assoiffées, affamées, amoureuses à corps perdu, "droguées dans l’âme". Celles qui se laissent rapter, celles qui prennent de face et expérimente dans leur chair la violence sans frontières du monde. Ici, explicitement contemporain et très réel, c’est un monde d’attentats, de murs, de barbelés… Et peut-être que ces quatre incandescentes, anges descendus aux enfers, ne sont-elles que les différents visages d’une seule et même folie, la folie des créatrices qui cherchent leur maison, "l’hacienda", cette "demeure libre". Véronique Rossignol

Les dernières
actualités