Les querelles dans les beaux-arts ne datent pas d’hier. Depuis que l’art a eu ses critiques pour le théoriser, on a vu s’affronter les Anciens et les Modernes, les partisans de la couleur (l’harmonie) et les champions du dessin (le concept)… Il y eut les néoclassiques amoureux du calme idéal antique, puis les romantiques peintres des soubresauts de l’âme, l’Académie gardienne des grands thèmes et des justes proportions contre le réalisme interprète de la trivialité du monde… Juxtaposition de touches de couleurs pures, vision tout en angles, transposition des rêves… Impressionnistes, cubistes, surréalistes, à chacun sa façon. Puis arriva Duchamp avec ses ready-mades, ces objets manufacturés qui, par la seule volonté de l’artiste, accèdent au statut d’art. Coupée, la main de l’artiste (le talent personnel du créateur) ! Poubelle, l’idée de Beau (la valeur esthétique d’une œuvre) ! L’art conceptuel est né. Aujourd’hui, le paysage artistique présente des formes si diverses (installation, peinture, vidéo, performance, photo) qu’on ne saurait pas selon quels critères juger ? Qu’est-ce que l’art contemporain ? Et à quoi se réfère ce "contemporain" qualifiant ces pratiques plastiques ? Nathalie Heinich, sociologue de l’art, définit l’art contemporain comme un genre en soi. Ainsi l’épithète "contemporain" n’aurait-elle plus trait à la chronologie : "art contemporain" désigne ici un mouvement en rupture avec l’art classique et l’art moderne. Dans son nouvel ouvrage, l’auteure du Triple jeu de l’art contemporain (1998) tente d’esquisser une "ontologie de l’art contemporain". Œuvre au-delà de l’objet (Klein avait exposé du vide), primauté du contexte, importance du discours par la médiation, le commissaire ou la critique ("l’acharnement herméneutique")… Il ne s’agit pas de partir d’une quelconque définition a priori mais de partir de l’observation du milieu et de dégager les structures de cette "révolution artistique" afin d’en identifier "le paradigme". A savoir, cette constante effective et incompatible avec les critères anciens. S. J. R.