6 janvier > Roman France

Ces deux-là sont de la même famille : celle des discrets. Antoine Choplin, Hubert Mingarelli, leurs noms associés sur une même couverture ne surprend donc pas. Alors que le second publie simultanément chez Stock un nouveau roman La route de Beit Zera, l’éditeur principal du premier, La Fosse aux ours, propose une tragédie racontée sous la forme d’une correspondance entre deux amis séparés par des milliers de kilomètres et liés par un trouble passé commun, dans laquelle on retrouve la tension dramatique épurée qui caractérise l’art narratif des deux écrivains.

Comment se sont-ils réparti les rôles ? Le lecteur l’ignore. Avant que ne s’engage la relation épistolaire, on lui fournit ce rappel : "1991. L’Armée populaire yougoslave, soutenue par des forces paramilitaires, envahit la Croatie pour mettre fin à sa volonté de sécession. Les combats font des milliers de victimes. Des villes et des villages subissent de lourds dommages." Puis on entre dans l’échange entre Jovan, qui archive des partitions dans un institut de musicologie à Belgrade, et Pavle, qui vit à Puerto Madryn en Argentine où il travaille dans une scierie. Après s’être revus au pays, ils reprennent le fil rompu d’une vieille amitié. De lettres en lettres, le présent comme le passé se dévoilent : d’abord des noms de lieux, Sombor en Serbie, une maison à Ostrovo en Croatie ; un troisième personnage, Branimir, une mission de reconnaissance dans la neige…

En même temps que se reconstruit cette intimité, les lettres se font plus consistantes et exhument le traumatisme qui a scellé leur destin. La culpabilité et la honte travaillent souvenirs et non-dits. Avec leurs manières si courtoises de ne jamais mettre à découvert leur personnage, les deux écrivains font résonner la violence de la mémoire. V. R.

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