Portrait d'un fumeur de crack en jeune homme (Jacqueline Chambon, 2011) était la confession autobiographique d'un Américain ayant débuté comme assistant dans une agence littéraire à New York avant de monter sa propre structure et de s'occuper des affaires de romanciers, de poètes, d'essayistes et de nouvellistes. Bill Clegg y détaillait sans fioritures sa dépendance aux pipes de crack et à la vodka, ses traumatismes de jeunesse dans le Connecticut, le mariage houleux de ses parents, son homosexualité. Après être tombé bien bas et avoir atterri dans le pavillon psychiatrique du Lenox Hill Hospital, il dut partir pendant six semaines en cure de désintoxication à White Plains, dans un centre pour toxicomanes et alcooliques. Ce qu'il a vécu en en sortant lui fournit la matière de son nouveau livre, 90 jours, sous-titré Récit d'une guérison.
Bill Clegg a alors 34 ans. Il est sans emploi, mis à l'index par le monde professionnel dans lequel il a travaillé pendant six ans. De retour à New York, il loge d'abord dans l'appartement de son ami Dave. Assis sur le canapé, il écoute les oiseaux qui pépient dehors. Le voici seul. Terminée la "surveillance non-stop d'infirmières, de médecins et de psys". Pendant quatre-vingt-dix jours, il va assister à deux réunions par jour dans une association. Bill peut compter sur Jack, son référent, son parrain. "Une sorte de coach/grand frère/guide." Ce qui ne l'empêche pas de se perdre dans le West Village, d'avoir du mal à contenir ses vieux démons, de lutter contre l'envie de se défoncer. D'aller sonner à la porte de son ancien dealer et de replonger la tête la première.
Autoportrait oppressant et sans concession, 90 jours met en scène une série d'hommes et de femmes qui se battent comme ils peuvent au quotidien avec le mal qui les ronge, arrivant ou non à s'aider les uns les autres. Leur douloureux chemin jusqu'à la lumière et la paix est parfaitement rendu par le terrible récit Bill Clegg.