Excellente recrue du Dilettante, Jean-Claude Lalumière s’est déjà fait remarquer avec deux premiers romans enlevés et drôles, Le front russe (2010, repris au Livre de poche) et La campagne de France (2013, repris au Livre de poche en mars prochain). Comme un karatéka belgequi fait du cinéma, son troisième opus au titre accrocheur, donne à entendre une musique nouvelle.
Le narrateur de Lalumière est un type de bientôt 40 ans qui rêvait de faire du cinéma. A la place, il est depuis quinze ans le factotum d’une galerie d’art contemporain. Monsieur raille les collectionneurs qui sont surtout des investisseurs, épingle les critiques. "De peur d’être taxés de ringardise, au moindre frémissement, ils acquiescent", affirme-t-il.
Voici quelqu’un qui considère "l’absence de sincérité comme un préalable incontournable à la vie en société, une assise nécessaire aux bons rapports entre les individus". Fils d’un père ouvrier agricole et d’une mère ayant pour seul loisir les mots croisés, il a jadis quitté la Gironde et son milieu étriqué pour monter à la capitale.
Pour l’heure, il n’a aucune envie de regagner son domicile où l’attend sa femme, Anne-Sophie, incorrigible couche-tôt. Mieux vaut traîner dans Paris, croiser les traits défaits de Jean-Claude Van Damme sur les colonnes publicitaires Morris. Avant de tomber sur l’acteur culte, en chair et en os, au bar du grand hôtel où il a trouvé refuge. Une "movie star" qui parle "worldwide" et l’entraîne dans sa suite, en tout bien tout honneur, soyez rassurés !
Jean-Claude Lalumière nous emballe sans doute plus que jamais ici avec le très réussi Comme un karatéka belgequi fait du cinéma auquel on souhaite autant de succès qu’à une fameuse Armoire Ikea. Lalumière a une manière très habile de mélanger humour et mélancolie, de brosser le portrait d’un antihéros moderne qui recule le moment du retour sur soi et vers son Médoc natal. Vers un milieu et une famille qu’il n’a cessé de fuir et de tenir à distance. Alexandre Fillon