Édition

Directrice et cogérante de Picquier depuis 2020, Juliette Picquier est catégorique. « L'objectif d'une transmission est qu'il existe une continuité », affirme-t-elle. Pierre Lenganey, qui a repris Møtus en 2019, abonde : « Cela n'aurait aucun sens de racheter une maison avec une histoire et une ligne éditoriale pour faire un virage à 180°. Ce serait ridicule ! » Car tout l'intérêt de reprendre une maison, plutôt que d'en créer une est bien de « reprendre à la fois la marque, ses acquis et son potentiel », complète le consultant Laurent Delabouglise. Certes. Mais une reprise implique forcément un certain renouvellement. Les interlocuteurs interrogés sont formels : reprendre pour continuer, oui, mais pour réinventer, aussi. « Continuité et créativité vont de pair mais on ne peut pas faire les deux en même temps », tempère Juliette Picquier. Après avoir pris ses marques, elle a procédé à quelques évolutions. « Nous n'éditons plus de livres jeunesse, nous publions moins de titres par an et nous sommes ainsi, peut-être, devenus plus sélectifs dans nos choix », pointe-t-elle.

S'il est courant que les lignes bougent, le renouvellement peut aussi porter sur la vie même de la maison reprise. Après avoir ouvert le programme de Norma aux beaux-arts et aux catalogues raisonnés, les cogérants Matthieu Flory et Virginie Hagelauer ont souhaité « moderniser l'image de Norma sans la bouleverser ni la trahir » en changeant de logo et en renforçant leur communication sur les réseaux sociaux. Outre le lancement de deux collections en 2021, Pierre Lenganey a fait entrer Møtus dans une nouvelle ère. « Auparavant sous forme associative, la maison fonctionnait avec quelques bénévoles, explique-t-il. Quand je l'ai transformée en société par action simplifiée, j'ai constitué une petite équipe. » Il ne s'est pas arrêté là. « J'ai augmenté le volume de production de cinq à treize livres par an, je me suis entouré d'une agence pour la cession de droits à l'étranger ainsi que de l'agence de communication Mauvaise herbe, et nous avons rejoint le diffuseur-distributeur Harmonia Mundi en 2022 pour développer notre présence en librairie », détaille le gérant.

Porosité

La frontière entre création et continuité est parfois plus floue. « Nous sommes fidèles au catalogue qu'Eric Hazan a construit parce que c'est une ligne qu'on aime et sur laquelle nous avons toujours travaillé », affirme Jean Morisot. Devenu cogérant, avec Stella Magliani-Belkacem, de La Fabrique en 2017 après une dizaine d'années au sein de La Fabrique, l'éditeur estime avoir « tout appris » auprès du fondateur de la maison. Pour autant, « nous ne pouvons pas tout faire comme lui », reconnaît-il. Jean Morisot se souvient du moment où, en 2017, Eric Hazan leur a dit : « Le printemps 2019, c'est demain et c'est vous qui le faites. » « Jusqu'ici, s'il faisait la moue quand on lui présentait un projet, on laissait tomber. Cette phrase nous a mis un coup de pression et nous a poussés à plus défendre certains projets », raconte-t-il.

Arrivée lors de la préparation du septième ouvrage du catalogue de Diane de Selliers, qui en compte désormais trente-deux à raison d'une publication par an, Joséphine Barbereau est la « gardienne de l'âme de la maison », assure la fondatrice des éditions qui portent son nom. Si elle se souvient de la difficulté « de s'affirmer au début », Joséphine Barbereau a « l'impression de ne pas être pour rien dans la direction qu'a pris la maison depuis quelques années ». Mais difficile de pointer précisément l'apport de Joséphine Barbereau tellement les deux éditrices se comprennent en un regard et affirment avoir « coconstruit, ensemble, le catalogue ». Une évolution notable toutefois : Diane de Selliers s'apprête à changer de statut juridique pour passer, d'ici cet été, d'une société à responsabilité limitée (SARL) à une société par actions simplifiées (SAS) avec une entrée au capital de Joséphine Barbereau. Aux côtés de la directrice se forme par ailleurs un comité stratégique composé du gérant Stephan Chenderoff, de Diane de Selliers et de son fils Jean Vergès. Une manière d'assurer la continuité tout en se renouvelant. C. L.

15.03 2024

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