Le 16 mars dernier, le tribunal de grande instance de Paris a tranché un litige entre une librairie et un éditeur/diffuseur de taille, à propos d’une « révision du montant des remises » . En l’occurrence, « le département distribution d’une maison d’édition » technique avait informé par courrier une librairie avec laquelle il entretenait des relations commerciales depuis presque vingt ans d’une baisse du taux de remise sur les ouvrages juridiques, avec une application échelonnée en deux temps, au mois de mars, puis au mois de juin de la même année. Raison invoquée : une diminution du chiffre d’affaires de la librairie. A la suite des protestations de cette dernière, le diffuseur avait accepté de renoncer à la seconde baisse du taux de remise. Mais le libraire avait finalement décidé d’attaquer l’éditeur auto-diffusé/distribué pour « rupture brutale de relations commerciales » . Le tribunal, saisi en première instance, a estimé que les deux courriers adressés à la librairie ne constituaient nullement la volonté de rompre, même partiellement, la relation commerciale. Selon ces juges, « la diminution d’un taux de remise passant de 32 à 30 % ne peut être considérée comme une manifestation de rompre le contrat » . De plus, « cette modification n’a pas non plus été brutale puisqu’elle a été annoncée comme devant avoir lieu en deux étapes et qu’en outre le distributeur a renoncé à mettre en œuvre la deuxième baisse de remise » . La rupture abusive de relations commerciales peut cependant être poursuivie en justice pour des motifs similaires. Il existe en effet une jurisprudence nourrie sur la fixation du prix. Celui-ci peut a priori être déterminé par le fournisseur sous réserve de ne pas commettre d’abus : une certaine intangibilité dans les conditions contractuelles doit régner entre les parties. Il réside encore un protocole d’accord sur les usages commerciaux de la librairie. Signé dans une première mouture le 5 septembre 1991, il est connu sous le nom de « protocole Cahart ». Ce document a été conclu entre le SNE (syndicat national de l’édition) et des syndicats de libraires, ainsi que des groupements de librairies. Ses clauses portent en particulier sur les remises. Concernant celles-ci, la loi du 10 août 1981 fait expressément référence, en son article 2, aux rapports entre éditeurs ou importateurs et détaillants. Il est notamment prévu que « les conditions de vente établies (…) en appliquant un barème d’écart sur le prix de vente au public hors taxes prennent en compte la qualité des services rendus par les détaillants en faveur de la diffusion du livre. Les remises correspondantes doivent être supérieures à celles résultant de l’importance des quantités acquises par les détaillants » . Ces critères de « qualité » ont été définis de façon indicative dans le protocole Cahart. Il s’agit en particulier : – du suivi et de la mise en vente des nouveautés – de la présentation d’un vaste assortiment (le stock du libraire doit être composé au moins pour moitié d’ouvrages de fonds, tous éditeurs réunis, les ouvrages de fonds étant considérés comme les ouvrages dont la publication remonte à un an au moins) – de l’ouverture de la librairie à tout public – de l’existence d’une ou plusieurs vitrines sur la rue – de la formation spécialisée reçue par un tiers au moins du personnel de la librairie employé à la vente des livres – de la réception par le libraire des représentants de l’éditeur ou du diffuseur – de la participation aux campagnes nationales ou locales de promotion en faveur du livre et de la lecture, l’organisation de séances d’animation – de la commande d’un ouvrage à la demande d’un client – de l’information de la clientèle par la mise à sa disposition de catalogues et documents bibliographiques – de la vente de livres dans les zones à faible densité de population Enfin, l’ordonnance du 1 er décembre 1986 impose, lorsque les conditions présentées par des fournisseurs sont semblables et que leur mode de traitement est égal, que le régime contractuel le soit également. Les pratiques discriminatoires sont donc illicites. Elles consistent à « pratiquer à l’égard d’un partenaire économique ou d’obtenir de lui des prix, des délais de paiement, des conditions de vente ou des modalités de vente ou d’achat discriminatoires, et non justifiées par des contreparties réelles en créant de ce fait pour ce partenaire un désavantage ou un avantage dans la concurrence ». Bref, des règles contractuelles et de beaux accords de principe à la réalité commerciale et judiciaire, il existe encore, si ce n’est une remise, à tout le moins un écart.
15.10 2013

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