Avant-critique Essai

Tohu-bohu. Régis Debray est un miraculé, rescapé d'un AVC qui ne lui a ôté ni sa mémoire, ni son talent, ni son mordant. Pas de quoi, toutefois, rendre la foi à cet agnostique à la Malraux, l'un de ses écrivains de prédilection même s'ils furent, un temps, adversaires politiques. Debray a composé un petit recueil, intitulé Riens. « Un peu » aurait convenu : il s'agit d'un assemblage de souvenirs, anecdotes, portraits, réflexions, dans le désordre de la mémoire et au fil de la plume, par glissements, associations d'idées. Une espèce de « tohu-bohu », aux dires de l'auteur. On l'y trouve aux côtés de Che Guevara dans la jungle bolivienne, devisant de l'Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain de Gibbon. À l'Élysée avec François Mitterrand, « l'Ambigu », pour qui il conserve admiration et affection. Place Dauphine, à la Roulotte, où Simone Signoret l'hébergea à sa sortie des geôles boliviennes. On le suit aussi chez Julien Gracq, avec Antoine Gallimard (à qui Riens est dédié) et Teresa Cremisi, tentant de convaincre l'auteur du Rivage des Syrtes de passer son œuvre en « Folio » − Gracq leur opposa un « niet courtois mais assez sec »... Il y a aussi, vers la fin, des pages de réflexions sur notre époque, peu amènes, sur le sort de notre pays qui « chaque année se rétrécit », sa langue maltraitée par le globish... Face à tout cela, Régis Debray a choisi d'aller vivre à la campagne, savourer calme et nourritures terrestres, et d'écrire, écrire. C'est même à cela qu'il veut consacrer la seconde vie qu'il se souhaite. Pourquoi pas ?

Régis Debray
Riens
Gallimard
Tirage: NC
Prix: 17 € ; 144 p.
ISBN: 9782073106704

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