En France, on connaît trop peu Beryl Bainbridge. Apparue sur la scène littéraire dans les années 1970 avec Harriet dit... (Flammarion, 1978), roman étrange où deux petites filles planifient et commettent un meurtre, la native de Liverpool a bâti une oeuvre noire et grinçante. Après que Payot eut proposé en 2000 le formidable Georgie (Rivages Poche), situé lors de la guerre de Crimée, Christian Bourgois s'était ensuite penché sur son cas avec Selon Queenie, qui met en scène le docteur Samuel Johnson, grande figure des lettres anglaises du XVIIIe.
Décédée en 2010, Mrs Bainbridge venait de terminer La fille avec la robe à pois, qu'elle n'a pas eu le temps de relire et que son éditeur a publié tel quel. L'action se déroule aux Etats-Unis, après l'assassinat de Martin Luther King. Washington Harold est un type "circonspect, sélectif", qui a acheté un camping-car d'occasion. A Baltimore, il attend l'arrivée d'une Anglaise qu'il juge pas bête, bien que manquant d'instruction. Anglaise qu'il sait vêtue d'une robe avec plein de pois. Washington Harold espère qu'ils ne tarderont pas à "se connaître à fond".
Rose, elle, est à la recherche d'un certain docteur Wheeler qui doit rembourser Harold. D'elle, le lecteur apprend qu'elle a un père qui travaillait à l'office du blé, qu'elle a un emploi de réceptionniste dans un cabinet dentaire, qu'elle vit à Londres "par intermittence" depuis ses 16 ans et loge dans un meublé. Rose a connu le docteur Wheeler. Il citait, quand elle était enfant, Pound, poète et compagnon de beuverie de son père. La voici qui accompagne Harold à Washington ou à Poughkeepsie. En route, tous deux apprennent que Wheeler serait en campagne électorale dans l'Oregon avec Kennedy. Pas JFK qui a été assassiné, mais Bobby qui ne l'a pas encore été...
A la fois énigmatique et magnétique, La fille avec la robe à pois pourrait bien être la clé idéale permettant de revisiter une bibliographie à redécouvrir de toute urgence.