Jusqu'où peut-on aller pour aider son prochain ? Surtout lorsqu'on est un homme de Dieu, en l'occurrence un rabbin, traditionaliste sans plus, adoré de sa femme Shoshana, estimé de ses ouailles, six vieux ronchons même pas assez nombreux pour dire les prières. Plus Esther, la femme de ménage. C'est le problème auquel va se trouver confronté rabbi Chlomo, le jour où un type mystérieux, un certain Jacob, visiblement tourmenté, sollicite de lui une faveur inhabituelle : il veut venir prier chaque matin à la synagogue, tout seul, en toute discrétion, même s'il ne sait pas lire la Torah.
Le brave Chlomo accepte, et finit par lui donner une clé. Mais sa curiosité est piquée au vif. Durant plusieurs jours, il va donc espionnner son drôle de paroissien, dans le reste de sa vie. Et le voir, tiré à quatre épingles, rencontrer des types louches dans de grands hôtels, lesquels lui remettent des enveloppes bien garnies. Jacob finit par se confier : il exerce le métier de tueur à gages, croule sous les contrats, et n'en peut plus ! Alors, par pure gentillesse, et sans bien mesurer la portée de son geste, le rabbin lui propose de le remplacer dans sa tâche. Et il s'y met vite et bien. En secret, bien sûr, même de Shoshana, laquelle s'inquiète un peu mais porte à son mari une confiance absolue. Et même si, « débordé », il en vient à négliger sa vieille synagogue en ruine, les devoirs de sa charge et sa communauté, l'affaire suit son cours, au début sans problème.
Au fur et à mesure que Jacob, retiré à la campagne, va mieux, Chlomo, lui, voit son moral et sa santé décliner. Et puis, que faire de tout l'argent que lui rapporte sa curieuse charité ? Il décide de l'investir dans la réfection de sa synagogue, laquelle va devenir la plus bling-bling de toute la ville. Mais Jacob s'ennuie, et se met à dessiner les visages de toutes ses victimes passées, comme pour exorciser ses crimes. Et il se trouve qu'il ne manque pas de talent. Il revient donc à Paris, s'offre une galerie, s'expose. Pendant ce temps, les travaux achevés, Chlomo, qui commence à se lasser de son « job », prépare l'inauguration de la synagogue ressuscitée...
Est-ce que tout va rentrer dans l'ordre, chacun reprendre sa place dans une belle harmonie ? Le lecteur le découvrira le moment venu, à la fin de cette fable rocambolesque, iconoclaste voire provocatrice, concoctée par un Manuel Benguigui à la palette décidément variée, même si l'on y retrouve quelques-uns de ses thèmes de prédilection : le monde de l'art et des galeries, par exemple. On rit, en dépit de quelques longueurs et invraisemblances, mais les personnages sont hauts en couleur, les intrigues multiples et réjouissantes. Quant à la morale finale : y en a-t-il même une ?
Un bon rabbin
Mercure de France
Tirage: 4 000 ex.
Prix: 15,80 euros ; 160 p.
ISBN: 9782715249400