Une telle effervescence est peu commune. Mais l’effet conjugué de l’affluence en librairie, qui ne s’est pas tarie cet été, des aides à la modernisation et des prêts garantis par l’Etat redoublé dans certaines villes par le dispositif Jeunes en librairie et le pass Culture incitent les libraires à investir dans ce rayon.
La lecture plébiscitée par les jeunes
"On a vraiment le sentiment que la crise sanitaire a favorisé la lecture chez les jeunes, observe Florence Kammermann d’Autour d’un livre. Certes, il y a cette envolée du manga mais les romans graphiques et les livres pour les tout petits se vendent aussi très bien."
Tous à l’étroit dans leur magasin, les quatre libraires ont profité de la libération de locaux situés à proximité, voire en face, pour délocaliser leur rayon jeunesse. "Ce secteur souffrait beaucoup du développement de la bande-dessinée. Mais nous étions coincés par notre configuration qui nous empêche d’agrandir la librairie. Nous n’avions pas d’autres choix que d’investir un nouveau local", raconte François Reynaert. Le gérant des Cordeliers a donc sauté sur cet ancien magasin de chaussures de 44 m2 situé à un jet de livres de la librairie principale et qui offre une visibilité et des vitrines confortables. "C’est le seul magasin de la rue que l’on voit à 100 mètres. Difficile de résister !", lance le libraire.
Même démarche pour Bénédicte et Romain Cabane. La libération d’un espace de 40 m2 quasiment en face des Danaïdes les a conduits à concrétiser un projet en gestation depuis plusieurs années. "Ce deuxième magasin est en cohérence avec le développement de la librairie, indique Bénédicte Cabane. La crise sanitaire a juste provoqué un effet boule de neige. Devant la fréquentation, on a augmenté le volume des commandes mais les tables ont vite croulé sous les livres et les clients ne voyaient plus rien. A tel point que certains ont découvert que nous faisions de la jeunesse et des mangas grâce à cette antenne", poursuit la libraire.
Visant la visibilité et l’accessibilité des livres, les quatre librairies ont peu augmenté leur assortiment. Bénédicte Cabane, qui a aussi déplacé la BD et le manga dans le magasin jeunesse, a fait entrer 10 000 euros (prix de vente public) de stock supplémentaire sur ces rayons. La jauge est quasiment identique chez Florence Kammermann à Cannes qui a ajouté 5 000 références aux 20 000 titres déplacés englobant là aussi BD et mangas. Elle a également intégré une gamme de jeux, d'objets cadeaux et de cartables ainsi que des produits dérivés de l’univers Harry Potter.
Autre point commun, la place libérée dans les librairies principales entraine un réaménagement de l’espace et profite largement aux sciences humaines. "Ce rayon était aussi maltraité que la jeunesse", explique François Reynaert. Le patron des Cordeliers a prévu en outre de réorganiser la bande-dessinée qui bénéficiera d’un espace "bien identifié au sein de la librairie. Il y a à la fois une demande et beaucoup d’offres dans ce secteur", justifie le libraire.
Entre 50 000 et 235 000 euros
Mélanie Darot, fondatrice de l’Etincelle à Valence, va plus loin. Des travaux complets de réaménagement dans le magasin mère sont prévus en octobre avec, notamment, un changement de mobilier. Le but : "mieux présenter" les sciences humaines mais aussi offrir plus d’espace au théâtre et à la poésie, interclasser le polar et rassembler les livres de voyage et les guides touristiques.
Avec des investissements naviguant entre 50 000 et 235 000 euros, les quatre libraires entendent au minimum conserver les chiffres d’affaires dégagés sur les exercices de 2020/2021. "Mais on avance quand même beaucoup à l’aveugle, reconnait Bénédicte Cabane. Même si, en y réfléchissant bien, on n’a pas grand-chose à perdre dans cette aventure."