New York, de nos jours. Dora Feigel, une jeune photographe française, la trentaine plaisamment indécise, en rupture de ban avec son pays et son métier, volontiers versée dans l'étude de la Torah et les spéculations métaphysiques (ainsi que les joies plus incertaines des soirées à tapis rouges et des jolies toilettes), assistante de Steve Kruger, un célèbre et controversé intellectuel qui se meurt à petit feu d'une maladie génétique, rencontre un homme qu'elle ignorait attendre. Il s'appelle Ari Zeltnik, il est juif - ce qui est la moindre des choses -, astrophysicien, et ne quitte plus du regard Dora que pour observer le ciel, ce qui, considère-t-il, revient au même. Dora, troublée par la force de cette sidération amoureuse, va s'y soumettre et se laisser chanter la vieille chanson du mariage, des enfants et de l'éternité enchantée des couples. Quelques mois, un voyage à Paris et un volcan islandais en éruption plus tard, Dora comprendra que le prince charmant est un ogre et que l'enfer se veut pavé de bonnes intentions.
Cette histoire d'amour à gueule de matins blêmes et de marché de dupes, c'est L'amour et des poussières, le quatrième roman de Clémence Boulouque (après son récit inaugural, le magnifique Mort d'un silence, Folio). Ces poussières-là, sont des cendres, celles du volcan, de l'amour de Dora, de Steve, très beau personnage, inspiré du regretté Tony Judt, grand historien disparu en 2010, de la mémoire des morts qui hantent l'histoire juive. Ces poussières-là sont aussi celles bien sûr que l'on dissimule sous les tapis de la bienséance pour ne pas avoir à interroger plus avant les identités paradoxales des couples, des familles. Clémence Boulouque s'attelle à ce devoir de dévoilement avec grâce, humour et bravoure.