Depuis quatre ans, Laurence Dubois-Pouillaute passe un après-midi par mois en prison. De son plein gré. Bibliothécaire à la bibliothèque universitaire de La Rochelle, elle assure des permanences documentaires pour les détenus de la maison centrale de Saint-Martin-de-Ré qui suivent des études. Tout a commencé quand le responsable local de l'enseignement de la prison lui a proposé de venir faire des ateliers de méthodologie pour les détenus préparant le DAEU (diplôme d'accès aux études universitaires). "Je me suis vite rendu compte qu'en fait c'est de livres dont ils avaient le plus besoin", se souvient la jeune femme. Pour ces étudiants à distance un peu particuliers, privés d'Internet et de ses ressources, notamment des environnements numériques de travail des universités, le livre constitue en effet une clé essentielle vers la réussite. Or, si nombre de bibliothèques publiques travaillent en direction des prisons, l'action de la BU de La Rochelle reste à ce jour unique en France sous cette forme.
Des enjeux humains multiples
Le dispositif réclame assez peu de moyens financiers : les livres prêtés aux détenus sont prélevés parmi les titres en exemplaires multiples des collections de la BU, complétés par un petit budget pour les achats ponctuels et par un efficace partenariat avec la bibliothèque municipale de La Rochelle et avec la bibliothèque départementale de prêt de la Charente-Maritime pour les demandes d'ouvrages non universitaires. Il repose en revanche sur un fort investissement humain. "C'est très impressionnant d'entrer dans un lieu hautement sécurisé, où chaque déplacement relève du parcours du combattant. J'ai dû faire mes preuves avant de gagner la confiance de l'administration et des détenus, en particulier être très claire sur ma mission", explique Laurence Dubois-Pouillaute. Elle reçoit à chaque permanence 25 détenus en moyenne, auxquels elle apporte les ouvrages demandés la fois précédente ou bien une sélection en l'absence de références précises. Les conditions de prêt sont souples : 5 documents pour une durée pouvant aller jusqu'à un semestre.
Par son originalité, l'expérience suscite aujourd'hui un fort intérêt de la part de la communauté professionnelle, et la BU organise régulièrement des journées d'étude sur les enjeux d'une telle action (1) : contribuer à la réinsertion bien sûr, mais avant cela à la possibilité d'entrer dans une dynamique personnelle et de se projeter dans l'avenir pour ces détenus condamnés à des peines lourdes (dix-huit ans en moyenne). Hésitante au départ, Laurence Dubois-Pouillaute est aujourd'hui convaincue de l'importance de sa mission. Un de ses meilleurs souvenirs ? Le premier réflexe de l'un de ses anciens étudiants en méthodologie en sortant de prison a été de venir s'inscrire à la BU de La Rochelle.
(1) La BU a réalisé en 2010 un documentaire disponible prochainement sur son site Internet.