13 AVRIL - ROMAN France

Marc Dugain- Photo CATHERINE HÉLIE/GALLIMARD

Comment un adolescent, en apparence ni pire ni meilleur qu'un autre, devient-il, un funeste jour, un assassin ? Et quel traitement la société doit-elle ensuite lui réserver, le point crucial étant de savoir s'il est capable de récidiver ou non. Voilà les problématiques, particulièrement actuelles et brûlantes, sur lesquelles Marc Dugain a construit son nouveau roman, Avenue des Géants, inspiré de la triste et authentique histoire d'Edmund Kemper, un serial killer qui horrifia et passionna à la fois l'Amérique dans les années 1960-1970.

Devenu Al Kenner dans le roman, le "héros" et narrateur est né en 1948 dans une famille minable et désunie. Toute son enfance, il a vu son père - brave type méprisé et humilié par sa femme alcoolique -, que les guerres dans les Forces spéciales ont complètement détruit. Quant à leur fils, après lui avoir déclaré à de nombreuses reprises qu'il n'était l'enfant ni de l'amour ni même du désir, sa mère le traite comme un chien, exigeant qu'il dorme au sous-sol, dans une cave aveugle juste à côté de la chaudière. Le père, lâchement, encaisse et fuit. Mais le pire, pour Al, c'est de n'avoir personne d'autre sur qui s'appuyer : en particulier pas sa grand-mère maternelle, encore plus méchante et autoritaire que sa fille.

Al est un garçon très intelligent, qui s'en tire à peu près à l'école, même si son esprit est laissé en jachère : jusqu'en 1971, il ne lira qu'un seul livre. Mais c'est Crime et châtiment, et à trois reprises ! Une autre de ses particularités, sa taille : à 15 ans, il mesure déjà 2 mètres, et pèse 163 kilos. Bien sûr, cela constitue une protection, même s'il n'est en aucun cas violent. Mais c'est aussi un handicap dans ses rapports avec les autres, les filles surtout : personne n'ose sortir avec un tel géant, qui se fait remarquer partout où il passe. Il n'aura qu'un vague flirt avec Ava Pinzer et, demeuré vierge, finira par assimiler toutes les femmes à celles qu'il déteste : sa mère castratrice et sa cruelle grand-mère.

Un jour, pour une bricole, la mégère lui crie après plus fort que d'habitude. Al pète les plombs : avec la Winchester 22 que son grand-père lui a offerte, il la massacre. Quand au papy, que son petit-fils aime bien mais qui a eu le tort d'être témoin de la scène, il se doit de le supprimer aussi. A ce moment-là, Al Kenner est devenu un double meurtrier. Quant à la date exacte de son passage à l'acte, il s'en souvient bien : c'était le 23 novembre 1963, le jour même où, à Dallas, Lee Harvey Oswald abattait le Président Kennedy. Al déteste Kennedy, ce "salaud de démocrate", mais son assassinat vole la vedette, dans les médias, à son propre exploit ! Pour faire parler de lui, il faudra qu'il aille se livrer à la police.

Etant donné qu'il est mineur, on l'interne en hôpital psychiatrique, où son thérapeute, le docteur Leitner, diagnostique chez lui une schizophrénie paranoïde, et entreprend un travail de fond : lui faire raconter son enfance, sa famille. Ses premiers passages à l'acte symboliques, comme de décapiter des animaux... Néanmoins, le praticien est convaincu qu'ayant réglé ses comptes Al sera parfaitement réinsérable un jour dans la société. A-t-il raison ou tort ? C'est tout le suspense du roman, et l'enjeu de la réflexion sociétale qui le sous-tend.

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