Du 10 au 14 février, le Bureau international de l'édition (Bief) a organisé la 4e édition du Fellowship pour les éditeurs du monde arabe. Laurence Risson et Pierre Myszkowski, qui suivent le projet depuis 2016 et se sont associés à l’Institut français depuis 2022 dans le cadre du projet « Livres des deux rives », ont accueilli 15 éditeurs de littérature et de sciences humaines venant du Maghreb, d'Égypte, d'Irak et du Liban, ainsi qu'une délégation de traducteurs et d’éditeurs algériens.
Le programme intensif d'une semaine comprenait des tables rondes et des ateliers à l’Institut Français, à l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco) et à l’Institut du monde arabe (IMA). Les participants ont visité les éditions Gallimard, deux librairies, la Bibliothèque nationale de France (BNF) et le réseau Fontaine O Livres. Des rendez-vous B2B ont été organisés avec des éditeurs français, dont Les Arènes, Le Bruit du Monde, Cambourakis et Mirages et Lumières, une nouvelle maison d’édition focalisée sur les écrits des femmes arabes. Les éditeurs ont également rencontré l’agente littéraire Milena Ascione de BooksAgent et assisté à une présentation des dispositifs d’aides à la publication de l’Institut français et du Centre national du livre.
Des cessions de droits du français vers l’arabe en progression
Judith Rosenzweig, directrice des droits étrangers chez Gallimard, a présenté des chiffres du Syndicat national de l’édition : en 2023, il y a eu 215 cessions de droits du français vers l’arabe, en progression depuis 2022. Le Liban est le premier partenaire pour ces contrats, suivi de l’Arabie Saoudite et des Émirats Arabes Unis. En revanche, les contrats de l’arabe vers le français sont moins nombreux, avec 48 contrats en 2023, principalement pour la fiction, des ouvrages sur l’islam et la poésie.
Chirine El Messiri, de l’agence Karkadé spécialisée dans la coopération culturelle, et Gabriel Tatibouet-Sadiki de l’association de traduction littéraire ATLAS ont présenté le site LEILA, soutenu par l’Institut français et le projet « Livres des deux rives », qui a pour but d’aider les éditeurs européens à découvrir des titres arabes contemporains.
Des éditeurs français ont fait part de leur récentes expériences avec des traductions de l’arabe ou bien de leur souhait d’explorer ce terrain linguistique, comme Charlotte Groult, éditrice chez Cambourakis. Julia Nanicelli, éditrice chez Gallimard, a récemment publié deux ouvrages traduits de l’arabe dans la collection « Du Monde Entier ». Philippe Rey a publié en coédition avec l’éditeur algérien Barzakh, dans leur collection « Khamsa », un recueil de nouvelles et deux romans d’auteurs tunisiens. Le roman d’Amira Ghenim, Le désastre de la maison des notables, traduit par Souad Labbize a été finaliste du prix Médicis étranger 2024 et a gagné le prix de littérature arabe 2024.
À la rencontre d’une jeune génération d’éditeurs
Pour la promotion de ces livres, les éditeurs français ont souligné l’importance des critiques littéraires et de la présence des traducteurs. Au sujet des critiques littéraires, Géraldine Prévot, qui pilote le projet « Livres des deux rives » qui a permis la publication de plus de 25 livres de l’arabe au français et vice versa, organise avec son équipe un atelier pour des futurs critiques littéraires venant du monde arabe. Des jeunes Maghrébins, Libanais et Égyptiens se réuniront pendant le festival de Littérature Live du 19 au 25 mai à la Villa Gillet à Lyon.
Après son Fellowship, Fatma Elboudy, fondatrice d’El Ain Publishing au Caire, s’est dite ravie d’avoir rencontré une jeune génération d’éditeurs, elle espère vendre des cessions de droit à des maisons françaises. Neven El-Tohamy, co-fondatrice de la maison d’édition égyptienne Kayan, a découvert le marché français et souhaite monter des collaborations dans le futur. Habib Zoghbi, libraire et éditeur tunisien de la Maison du Livre, a trouvé l’expérience fructueuse pour les échanges avec d’autres éditeurs arabes et le réseautage avec les acteurs du livre en France. Dans le cadre de « Livres des deux rives », il a publié Gisèle Halimi en arabe et prévoit de publier Albert Memmi.
Le journaliste, écrivain et éditeur irakien Ali Bader, qui a fait des études de littérature française à Bagdad, était à Paris pour le compte de deux maisons d’édition, Dar Alca et en tant que directeur éditorial, de Dar al Mada pour lequel il a déjà acheté 20 titres français dans le passé. Il a dit avoir apprécié les échanges et avoir obtenu des réponses à plusieurs questions qu’il avait par rapport aux livres en papier et les livres numériques.
Des retours d’expérience positifs qui font dire à Laurence Risson, qui travaille depuis bientôt dix ans avec les éditeurs arabes dans le cadre du Fellowship : « On retrouve toujours une énergie collective très forte ». En attendant une 5e édition que tous les participants appellent de leurs voeux.