Pas la faute à Voltaire ni à Rousseau, c’est Platon qui nous a mis dedans ! Le philosophe du mythe de la caverne et ses fameuses "Idées" - la théorie de cette chose désincarnée, la Vérité, qui serait au-delà du visible et du palpable.
Sophie Chassat, philosophe et chroniqueuse de la rubrique "Styles" au Monde.fr, s’inscrit en faux contre ce dualisme avec son nouvel ouvrage : La barbe ne fait pas le philosophe. Son éloge paradoxal de la surface peut étonner à une époque où c’est plutôt la profondeur que la frivolité qui est l’ennemi. De la télé-réalité et son narcissisme assumé aux selfies postés sur Facebook, au logorrhéique cui-cui de la Tweetosphère, toutes notions de transcendance ou d’introspection semblent avoir été évacuées. Mais ce n’est pas de ça qu’il s’agit, à travers cet "abécédaire philosophique du superficiel", Sophie Chassat ne fait pas contre l’Etre le choix du néant, bien au contraire ! elle entend élargir sa quête de sens à la poussière du monde et à l’écume des jours. L’auteure de Découvrez avec Kant les vertus de l’hypocrisie (L’Express éditions, 2012) prend ici à son compte les propos de Bachelard : "C’est parfois sur les plus insignifiants et les plus chimériques exemples qu’on peut apprendre le plus clairement les leçons philosophiques." Ainsi donc recueille-t-elle ce qui reste à fleur du réel - superficiel, du latin super-ficies, "sur-face". D’"Accessoire" à "Zeste", elle analyse, d’une part, des phénomènes censément superficiels, tels la mode, le maquillage ou le bricolage, de l’autre, le thème même du superficiel avec des entrées dédiées au "Frivole", au "Futile", au "Superflu". Rien de pesant, des intuitions qui font réfléchir comme autant de petites "Fusées" baudelairiennes, élégantes fulgurances lancées dans la grise atmosphère de l’esprit de sérieux. Sean J. Rose