Qui vive est une adresse faite à un mort, Alain, ami très cher du père du narrateur. Colin Lemoine, historien de l'art, critique d'art et commissaire d'exposition et dont il s'agit ici du premier roman, esquisse le portrait de cet homme d'une « maigreur dépenaillée » et aux « gestes précieux », et restitue l'ombre qu'il a projetée sur son enfance à lui, son univers familier. Une ombre plus blanche que sombre : l'étique silhouette dégage une aura de mystère.

Souvent, l'enfant toléré aux « entretiens », rendez-vous à l'extérieur dont était exclue la mère, respectueuse de l'amitié de ces deux hommes, jouait à la voiture ou dessinait pour tromper l'ennui. A 20 ans, le narrateur croise un jour Alain, professeur de profession, qui corrige des copies dans un café, le jeune homme a un chagrin d'amour. Alain devient à son insu une manière de maître à penser et à panser ces premières blessures, et les deuils à venir des premières fois.

De quoi cette maigreur est-elle le symptôme? Du vivant d'Alain, le petit garçon d'alors l'ignore. Le corps de « l'ami-de-mon-père » s'est éthéré plus encore au point de s'évanouir tout à fait. Alain parti, sa présence demeure. Alain hante chaque page, penché tel un ange au-dessus de l'épaule de qui se souvient, ourdit par le souvenir l'étoffe de sa propre vie.