Neuf mois après l’adoption de la loi Darcos sur l’adaptation du marché du livre au commerce en ligne, le cabinet du ministère de la Culture a décidé de valider la proposition de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) concernant le prix plancher des frais de port. Celle-ci a préconisé un prix minimum de 3€ pour toute commande en-dessous de 35€ d’achat.
Le cabinet de Rima Abdul-Malak doit notifier dans les jours à venir la Commission européenne de ce projet d’arrêté. Si Bruxelles valide le choix de la rue de Valois, l’arrêté pourrait être officialisé en début d’année pour une mise en application à l’été 2023.
Aucune dérogation possible
« C’est un tarif socialement acceptable, qui permet de garder un équilibre tout en préservant le marché du livre », estime-t-on au ministère, qui insiste sur le fait que « ce n’est pas une mesure symbolique ». En effet, si l’arrêté est validé par la commission, aucune dérogation ne sera possible pour l’achat de livres neufs en ligne en-dessous de 35€, même avec une carte de fidélité ou d’avantages offrant les frais de port. Ce tarif plancher concerne également les départements d’Outre-mer et sera applicable dès qu'un livre compose une commande en ligne.
Concernant le seuil de 35€ d’achat, il a été réévalué de 10€ par l’Arcep à la fin de l’été, notamment dans l’idée de favoriser les achats groupés. Au delà de 35 euros d'achats, les vendeurs seront libres de proposer une livraison à partir d'un centime d'euros. A noter, le retrait d'une livraison en librairie ne sera pas soumis aux frais d'expédition.
Rétablir l'équité
Longtemps attendu par les professionnels du livre et singulièrement les libraires, l'instauration d'un prix plancher veut "rétablir l'équité entre un géant comme Amazon, qui vend des livres à perte en pratiquant des frais de port à 1 centime, et tout un réseau de libraires qui ne peuvent s'aligner sur ces tarifs", d'après ce que confiait en mai dernier à Livres Hebdo la sénatrice de l'Essonne Laure Darcos, à l’origine de la proposition de loi. Le projet de loi avait été conforté en mai 2021 par une intervention d'Emmanuel Macron, dévoilant lors d'un déplacement à Nevers son intention de fixer un prix unique pour les frais de port du livre. Mais, en fin d'année dernière, il a fait aussi l'objet d'une opposition acharnée d'Amazon, un membre de l'état major du géant du e-commerce étant même venu spécialement de Seattle pour rencontrer la ministre de la Culture d'alors, Roselyne Bachelot, d'autre tentant d'approcher Laure Darcos ou la rapporteure du texte, la députée Géraldine Bannier.
Le négociateur d'Amazon avait alors expliqué être prêt à revenir sur la facturation d'un centime d'euros pour la livraison de livres et instaurer un niveau de frais de port compris entre 1,8 et 2 euros. Faute d’avoir obtenu gain de cause en coulisses, Amazon avait contre-attaqué en publiant le 4 octobre 2021, avant-veille du vote, une lettre ouverte signée par le directeur général d’Amazon.fr, Frédéric Duval. Dans ce texte intitulé « Pour la lecture et le pouvoir d’achat ! », le leader du e-commerce accuse, entre autres, la loi Darcos de pénaliser les lecteurs vivant loin des grands centres urbains et sans accès à une librairie de proximité.
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