En quoi les pommes de terre nouvelles se renouvellent-elles ? C’est une des questions abordées par Mathieu Potte-Bonneville dans cet essai à l’écriture ciselée, au ton pince-sans-rire et aux références inattendues. Le sujet, lui, est hautement philosophique puisqu’il concerne le recommencement, qu’il ne faut pas confondre avec la répétition. C’est même l’inverse. On voudrait recommencer pour ne pas avoir à répéter, ce qui est la condition même de l’existence. "Il faudra avoir longtemps débuté pour parvenir au commencement." Dans ce texte millimétré qui penche vers la littérature, l’auteur convoque Blumenberg, Arendt, Beckett ou Flaubert.

Agrégé de philosophie, cofondateur et animateur de la revue Vacarme née de la lutte anti-sida d’Act-Up dans les années 1980, Mathieu Potte-Bonneville est remarqué par son Michel Foucault, l’inquiétude de l’histoire (Puf, 2004), tiré de sa thèse de doctorat. Aujourd’hui maître de conférences à l’ENS Lyon, il poursuit une œuvre discrète, originale, un peu en marge.

A une époque où l’on parle beaucoup de la reprise, où l’éventualité de refaire sa vie professionnelle s’affiche comme une revendication, cette étude interroge nos hantises, nos empêchements et nos doutes pour "échapper à la malédiction du continuel". Voilà pourquoi Proust a écrit la Recherche "à l’imparfait du subjectif". La boucle est bouclée. Pour un essai qui s’intitule Recommencer, c’est bien la moindre des choses. L. L.