Pour ce qui est des faits, l’affaire Violette Nozière, qui a déchaîné les passions dans les années 1930, n’a plus guère de zones d’ombre. La jeune femme condamnée à mort à 19 ans en 1934, graciée, puis libérée en 1945 et réhabilitée en 1963 a progressivement dérivé à l’adolescence. Tandis que ses résultats scolaires se dégradent, elle fréquente à tout-va, vole ses parents et dans les magasins, pratique la prostitution occasionnelle pour vivre la belle vie et en vient à tenter d’assassiner avec somnifères et gaz sa mère et son père, un conducteur de train particulièrement bien noté qui, lui, y restera.
Mais si les faits fournissent le fil conducteur de Violette Nozière, vilaine chérie, l’album propose d’abord un portrait psychologique du « monstre en jupons » dénoncé par la presse d’avant-guerre. Trente-sept ans après le film multiprimé de Claude Chabrol, avec Isabelle Huppert, le journaliste et auteur normand Eddy Simon (Violette Nozière est morte au Petit-Quevilly, près de Rouen, en 1966) et Camille Benyamina, dessinatrice inspirée issue de l’école Emile-Cohl à Lyon, s’intéressent à l’énigme persistante de sa personnalité manipulatrice et perverse.
Avant de trouver sa rédemption dans la foi, en captivité, et de se ranger, fondant une famille, dans les années d’après-guerre, « l’ange noir », soutenu par les surréalistes qu’elle a inspirés et survoltés, s’était bâti un univers fascinant de mensonges. Les deux auteurs le donnent à voir jusqu’au vertige par un découpage soigneux, des jeux de regards et une profondeur graphique qui manifestent toutes les ambivalences des différents personnages, en leur laissant leur part de mystère.
Fabrice Piault