Vendredi 14 avril, ils se retrouvaient à Lausanne, au musée de l’Elysée où travaille l’un d’entre eux, pour discuter de leur prochain ouvrage collectif : l’Association des jeunes auteurs romands, l’Ajar, acronyme qui évoque la double identité littéraire de Romain Gary/Emile Ajar, se confronte à l’épreuve du deuxième livre, après un premier succès remarqué à la rentrée littéraire française de 2016.
Publié chez Flammarion, Vivre près des tilleuls, brève histoire d’une auteure qui s’est arrêtée d’écrire après un drame, s’est attiré une couverture presse rare pour un premier roman. Plus que l’œuvre elle-même, c’est sa création qui a attiré l’attention des médias : écrite en une nuit par les 18 membres de l’association, à la suite d’un appel à projet en 2014 du festival Québec en toutes lettres, sur le thème des doubles et des pseudonymes en littérature.
L’acronyme de leur association et leur esprit collectivement facétieux leur imposaient une réponse presque évidente : imaginer à leur tour une supercherie littéraire autour d’un auteur totalement inventé, une certaine Esther Montandon. L’année suivante, ils glissaient leur texte à Anna Pavlowitch, directrice du pôle littérature générale de Flammarion. La fille de Paul Pavlowitch, petit cousin de Romain Gary à qui le romancier avait demandé d’incarner un temps Emile Ajar, ne pouvait qu’être réceptive. Elle juge le texte assez convaincant pour le programmer à la rentrée littéraire 2016, sans entretenir de doute quant à son origine : une bande de jeunes Suisses capables d’être aussi graves que drôles devait se faire remarquer plus facilement dans cette rentrée qu’une auteure forcément impossible à présenter. Les ventes ont correctement suivi, à 2 000 exemplaires en France et 2 500 en Suisse romande, où 1 500 ventes suffisent à faire entrer un titre dans la catégorie des best-sellers.
Vingt auteurs
"Nos rencontres initiales remontent au prix interrégional des jeunes auteurs. Nous avons continué à nous voir, pour nous amuser, écrire quelques "cadavres exquis", et nous avons décidé en 2012 d’organiser quelque chose ensemble, autour de l’écriture et des performances collectives", explique Noémi Schaub, cofondatrice de l’Ajar avec Guy Chevalley (qui a depuis publié Cellulose chez Olivier Morattel, jeune maison suisse). "Nous sommes 20 maintenant, après le départ de 3 des 13 fondateurs, et l’arrivée de 10 nouveaux membres", compte-t-elle. Une douzaine d’entre eux ont été publiés à titre individuel, le plus souvent chez des éditeurs suisses. "Il n’y a pas de différence, nous avons créé une dynamique de travail, au lieu d’être jaloux les uns des autres, nous sommes heureux des succès, et nous espérons que les réussites des uns vont nous aider collectivement."
"Ils entretiennent un dynamisme joyeux, qui correspond à la scène littéraire de la nouvelle génération, à la fois détendue, sérieuse, créative, ludique, aimant les canulars, c’est de grande qualité", s’enthousiasme Lisbeth Koutchoumoff, critique littéraire au Temps. Fanny Wobmann, qui a participé au premier texte collectif, a publié en janvier Nues dans un verre d’eau, son deuxième roman chez Flammarion, après un précédent aux éditions de l’Hèbe. "Le manuscrit était très avancé lorsque Flammarion s’est intéressé à l’Ajar, mais j’ai pu avoir un contact direct avec Anna Pavlowitch et Alix Penent [directrice littéraire chargée des romans français]", explique la jeune romancière, par ailleurs auteure de théâtre.
Les droits d’auteurs du premier livre de l’Ajar financent l’association, en complément des 50 francs suisses de modestes droits d’entrée. "Nous souhaitons maintenant nous professionnaliser lors de nos interventions, notamment quand nous organisons des cessions d’écriture, on ne peut pas tout faire bénévolement", ajoute Noémi Schaub, par ailleurs coéditrice chez Paulette, une jeune maison romande qui diffuse sa programmation sur abonnement.