17 avril > Roman Finlande

Arto Paasilinna- Photo DR/DENOËL

Avec ce quinzième roman traduit en français chez Denoël (depuis 1991 et le génial Meunier hurlant), on a plaisir à retrouver Arto Paasilinna, un peu comme un vieux copain qu’on avait un temps perdu de vue : depuis 2011, et son Potager des malfaiteurs ayant échappé à la pendaison, qui n’avait pas laissé un souvenir impérissable. L’ancien bûcheron Sami, devenu auteur à succès mondialement connu depuis Le lièvre de Vatanen, rendant chaque été à son éditeur en Finlande, WSÖY, un nouveau manuscrit, tous ne peuvent pas être de grands crus. Disons que ce 2014, publié en fait dans son pays en 1998, sans atteindre les sommets paasilinnesques, est tout à fait honorable.

C’est l’histoire d’Ariel Auvinen, un professeur de religion mort à 83 ans en odeur de sainteté, qui se voit offrir la chance, après un rapide séminaire de formation chez saint Pierre dirigé par l’ange Gabriel, un cador, de passer sa mort à jouer les anges gardiens. Or, sur terre, Ariel était plutôt un brave homme, plein de bonne volonté, mais aussi un gaffeur impénitent, un malchanceux, un maladroit, spécialiste ès catastrophes. Le malheureux Aaro Korhonen, dont le salut lui été confié, va vite l’apprendre à ses dépens. Alors que tout va bien pour lui, riche retraité qui vient de reprendre une boutique pour en faire un salon de thé-brocante-bouquinerie tenue par Viivi Ruokonen, laquelle devient sa copine, la femme de sa vie, chacune des interventions d’Ariel va venir tout compliquer.

Par exemple, l’ancien religieux estime que mêler nourritures terrestres et spirituelles est une hérésie, et fait capoter le prêt bancaire pour le salon de thé. De même, il juge Viivi pas assez bien, pas assez pieuse, trop jeune pour Aaro, et lui met entre les pattes Mlle Ritva Nuutinen, une vieille fille, institutrice bigote et imbuvable. Laquelle, en dépit de la résistance énergique de Viivi, s’incrustera aussi longtemps qu’elle le peut.

Au terme de toute une kyrielle d’aventures farcesques, dont une balade en Suède et en Allemagne d’Aaro avec Oskari Mättö, son vieux copain chauffeur de corbillard, afin de racheter deux véhicules neufs, et même l’intervention du diable en personne par l’intermédiaire d’un de ses démons, on se doute que tout rentrera dans l’ordre et se terminera bien, comme souvent chez Paasilinna. Mais, comme toujours, ce vieil anar politiquement incorrect a glissé dans son livre quelques arrière-pensées. Moraliste grinçant, Paasilinna aime bien croquer les travers de notre monde. Ici, ce sont les pères-la-morale et les mères-la-pudeur, les censeurs qui prétendent faire le "bonheur" de "pauvres pécheurs" qui ne leur ont rien demandé, ce fonds de commerce de toutes les religions, qu’il fustige à sa façon, paillarde et résolue. Parce qu’"un Finlandais n’abandonne pas facilement. Rock, cul et vodka". Il y a pire philosophie.

J.-C. P.

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