Trafics cosmiques. Alors qu'en cette année 2176 elle est en mission dans l'espace à la tête d'un vaisseau chargé de ramener de la précieuse antimatière, la commandante et mineuse d'espace-temps Sara McTeslin est confrontée à une série de meurtres qui déciment son équipage. Rapidement, on soupçonne l'IA embarquée, le Masterbot qui chapeaute et surveille toutes les décisions humaines et qui semble avoir décidé de saboter l'expédition. Depuis la Grande Migration, depuis que le niveau de l'eau a monté au point que toutes les mers et les océans se sont mélangés en tuant la biodiversité, l'être humain a abandonné son sort aux mains d'une technologie qu'il ne comprend plus et a choisi l'espace comme seule issue, parce que l'antimatière qu'il va y trouver sert à la miniaturisation de ces IA qu'on appelle les « Experts »... L'entreprise qui les commercialise est directement menacée par une organisation terroriste antiprogrès, les Bernanos, responsable de la mort de Ness, la femme de Sara. Lorsque cette dernière découvre, sur la planète Tortue-B, une sorte d'arche qu'elle nomme le « dôme de la Méduse » et qui abrite une colossale réserve d'antimatière, elle hésite à se lancer dans l'exploitation du filon... En effet, le vaisseau reçoit un étrange signal émis par la planète, que Mia, la fille de Sara, s'échine à déchiffrer. Rapidement, les deux femmes se rendent à l'évidence : le dôme abrite une forme de vie extraterrestre liée à une civilisation ancienne et avancée qui pourrait détenir la clé des origines de l'humanité. Sur Terre, les rivalités entre la présidence mondiale et les intérêts privés tournent aux règlements de comptes mortels et Sara va tout mettre en œuvre pour qu'on ne réveille pas les éventuels derniers survivants de cette civilisation menacée, possiblement en état d'hibernation. Ce sont finalement des conflits d'intérêts bien humains que doivent résoudre des personnages qui ont de plus en plus de mal à mesurer leur attachement et leur proximité réciproques, tant l'échelle des distances est devenue complexe. Avec ce dernier opus de sa Trilogie baryonique, série au ton très libre qui parfois lorgne vers une hard SF passionnante, Pierre Raufast nous offre surtout un roman d'aventures et de mystères d'une incroyable densité, comportant de multiples digressions habiles − la puissance destructrice des technologies, la création d'une langue universelle, la panspermie (l'idée selon laquelle les météorites transportent des sortes de semences à travers tout l'espace)... On traverse ce livre en compagnie de protagonistes qui échappent à tous les clichés du genre, et l'on partage avec eux une certaine routine quotidienne toujours empreinte d'un formidable enthousiasme à l'idée des découvertes à venir. Mais les héros de Raufast sont aussi des êtres humains rongés par le remords de la trahison, par les deuils impossibles qu'aucune technologie ne saura jamais combler, et qui devront apprendre à réparer le passé pour laisser advenir un futur vivable et désirable.