La ligne de nuit Paris-Austerlitz-Briançon serait-elle la plus dangereuse de France ? Plusieurs accidents s'y sont produits, sur des passages à niveau. Le 11 février dernier, encore. Mais le plus grave, c'est une catastrophe qui avait fait cinq morts (dont trois jeunes de 19-20 ans) et quinze blessés, le 5 septembre 1966, à Andancette, dans la Drôme.
C'est ce dont s'est inspiré Philippe Besson pour un roman ambitieux, presque naturaliste, construit comme une tragédie en trois actes. À la manière d'Agatha Christie dans Le crime de l'Orient- Express, il raconte les personnages, ce qu'ils sont venus faire là, rassemblés dans un même wagon. Des relations se nouent, des liens inattendus, et même un amour d'une nuit. Celui d'Alexis Belcour, un médecin gay de 40 ans, fragile, romantique et romanesque, qui vient d'être quitté par son compagnon, Antoine, après six ans. Il descend à Briançon afin de vider la maison de sa mère, récemment disparue. Avec Victor Mayer, un hockeyeur blond de 28 ans, moniteur de ski et guide de randonnée, qui se retrouve là parce qu'il a raté son TGV. Le hasard (?) fait que les garçons partagent le même compartiment couchette. Ce qui devait arriver arrive : coup de foudre réciproque. Et Victor, fiancé à Claire, s'assume enfin : « J'ai eu l'impression d'être moi pour la première fois », confiera-t-il à Alexis après l'accident, salement blessé, avant que les pompiers ne le conduisent à l'hôpital. Cette love affair s'achèvera-t-elle en happy end, ou en drame ? Et qui, parmi les autres passagers, succombera ou en réchappera ? Julia Prévost, 34 ans, assistante pour des talk-shows à la télé, qui descend avec ses enfants Chloé et Gabriel à Serre Chevalier chez ses parents, après son divorce d'avec un voyou violent voire dangereux. Dans le couloir, elle fait la connaissance de Serge Dufour, un VRP de 46 ans qui craint pour son emploi, et se révèle plus profond et attachant que son rôle de baratineur professionnel le laisserait présumer.
Il y a aussi Jean-Louis et Catherine Berthier, sexagénaires retraités, lui ex-jardinier à la Ville de Paris, atteint d'un cancer du poumon incurable, elle ancienne vendeuse au BHV, syndicaliste, qui vont passer une semaine de vacances à la montagne. À la faveur de la nuit, ils sympathisent avec une petite bande de cinq étudiants, Manon, Leïla, Hugo, Dylan et Enzo, 19 ans, avec qui ils jouent même à la belote et partagent un joint − thérapeutique paraît-il. Et puis, dernier personnage, celui par qui le destin, annoncé à plusieurs reprises par le romancier, frappe : Giovanni Messina, un ancien voyou de 27 ans, originaire de Gênes, rangé et marié à Sandra, père d'une petite fille, chauffeur de poids lourds. Venant de Turin, épuisé, en retard, près de Mont-Dauphin-Guillestre, son camion emboutit la barrière du passage à niveau, se retrouve au milieu de la voie et se fait percuteur par le train, lequel se couche sur le flanc. Le conducteur, Vincent Durieux, 38 ans, est tué sur le coup. Le routier, lui, était au téléphone avec sa femme. Il survivra, perdant ses deux jambes, mais avec sa culpabilité.
Pour le reste, il faut terminer le roman à suspense de Philippe Besson, l'un de ses plus originaux, même si l'on y retrouve quelques-uns de ses fondamentaux.
Philippe Besson
Paris-Briançon
Julliard
Tirage: 65 000 ex.
Prix: 19 € ; 208 p.
ISBN: 9782260054641