Sa spécialité, c’est le dessin d’humour : Marianne Maury Kaufmann a depuis plusieurs années installé la silhouette de sa Gloria dans la page hebdomadaire de Version Femina, et les aventures tragicomiques de cette quadra citadine et coquette, équipée d’un ado mou et de nombreuses copines de bon conseil, aux prises avec des problèmes existentiels aussi futiles qu’essentiels, ont été compilées en quatre albums, deux parus chez Jean-Claude Gawsewitch, et les deux derniers chez Delcourt.
La voici donc sans l’image, mais le stylo aussi affûté, dans une nouvelle forme qui paraît plutôt naturelle. Ainsi, la nouvelle, surtout quand, comme ici, elle est courte et ressemble au point d’exclamation du titre, est une bonne distance pour cette démineuse du champ de bataille quotidien qui saisit ses héros zigzagant entre pièges cocasses et situations qui font pschitt… En 28 histoires de quelques pages qui se dégustent comme des bonbons acidifiés, alternativement piquants et sucrés, dans des saynètes à la sauce aigre-douce, l’illustratrice se plaît à observer petits ratés, débandades, mini fiascos, quiproquos et nombreux rendez-vous foireux quand ils ne sont pas franchement manqués (chez Mr Sprung, dentiste ; avec Céline rencontrée sur Internet ; avec un copain en retard dans un bar pour un happy hour un peu particulier ; pour un dîner viande bouillie-poireau chez un couple adepte de l’instinctothérapie…). Elle encadre non sans tendresse ses personnages un peu piqués, pleins d’étranges manies (le veuf qui stérilise serviettes et draps au congélateur), touchants dans leurs stratégies ordinaires de survie sociale. « J’ai cru l’aimer, alors que j’aimais surtout un pantalon de velours qui lui allait particulièrement bien. »
Pas de chichis ! sonne souvent comme une auto-exhortation, un encouragement pour négocier des virages délicats. On sourit même quand ce n’est pas drôle (et souvent, au fond, ça ne l’est pas), la fantaisie l’emportant toujours sur le drame.
Véronique Rossignol
