Corine Pelluchon a beaucoup travaillé sur notre rapport à la condition animale et sur la manière dont nous nous comportons à l’égard du vivant. Pour cette philosophe (Paris-Est Marne-La-Vallée), nous ne changerons de comportement que si nous changeons de mentalité. Donc d’éthique. Elle le dit : "C’est dans la conscience individuelle que la société joue son destin." Dans un système que l’on voudrait plus solidaire, chacun est redevable pour tous. Pour corriger quoi que ce soit dans le monde, il faut donc d’abord réviser sa façon de voir.
Après sa thèse remarquée sur Leo Strauss (Vrin, 2005) qui lui valut le prix François-Furet, Corine Pelluchon s’est très vite intéressée aux liens entre bioéthique et philosophie. La considération ici explorée est celle que nous portons envers les autres et bien sûr envers les animaux. On peut lui donner aisément un autre nom qui avait cours au siècle des Lumières, celui de vertu.
Comment se comporter de manière vertueuse face au péril écologique, devant la destruction de la biodiversité et en présence de la souffrance animale ? En puisant dans le vaste corpus philosophique qui a traité la plupart de ces sujets depuis l’Antiquité, Corine Pelluchon compose à sa façon un petit traité d’une grande vertu. Elle poursuit également le travail amorcé dans Eléments pour une éthique de la vulnérabilité (Cerf, 2011), la conscience de la fragilité s’avérant une condition nécessaire à la considération.
Par un dialogue avec les grands auteurs, dont Bernard de Clairvaux, son éthique des vertus cherche à repérer les manières de se comporter qui doivent être encouragées pour mener une vie, sinon meilleure, du moins bonne. "Sans l’humilité et sans la perception de notre appartenance au monde commun, il n’y a pas de considération." Un mot traduit cette disposition qui s’adresse autant aux autres qu’à soi. Le respect. L. L.