Le patrimonial Charles Perrault s’avère toujours aussi inspirant : après Catherine Cusset, Geneviève Brisac et Arnaud Cathrine, en 2002 aux éditions de La Martinière, la photographe Dina Goldstein, lauréate du prix Virginia 2014, et sa très caustique série Princesses déchues, c’est au tour de onze contributeurs, cinq écrivains et six écrivaines, réunis par Belfond dans la collection "Remake", d’interpréter dans un hommage à Perrault aux arrangements personnels et contemporains ces inoxydables tubes vieux de plus de trois siècles tirés des Histoires ou contes du temps passé.
Aux côtés de Frédéric Aribit ("Les fées"), Leila Slimani ("La Belle au bois dormant"), Nathalie Azoulai ("Cendrillon") et Hervé Le Tellier ("Le Petit Chaperon rouge"), Fabienne Jacob décline le motif des robes aux couleurs changeantes de "Peau d’âne" et transforme la fée marraine en grand-mère de bon conseil. Dans une version très noire de "Griselidis", Emmanuelle Pagano fait parler une jeune épouse persécutée par son militaire de mari, prince à "l’amour inquiet" qui a tous les attributs du pervers narcissique. Alexis Brocas signe une adaptation 2.0 du "Chat botté". Manuel Candré fait se télescoper le conte et le mythe, Perrault et Homère, dans "L’odyssée de Poucet". La benjamine de la formation, Cécile Coulon, installe "Barbe-Bleue" dans un sévère pensionnat de garçons. Le "Riquet à la houppe" de Gérard Mordillat vit au onzième étage d’une tour de cité et rencontre Radieuse Aurore, surnommée Gogolita "la princesse sans petit pois", à la MJC Andersen. Christine Montalbetti clôt ce recueil avec "De la difficulté d’exercer son libre arbitre, à brûle-pourpoint, en forêt (et de retour à la maison itou)", s’emparant d’un conte moins connu, "Les souhaits ridicules", pour en livrer un commentaire plein de sagesse empathique sur le choix et le renoncement. En 2015, Perrault bouge encore.
Véronique Rossignol