Essai/France 16 octobre Bertrand Périer

En argot, un avocat s'appelle un « baveux ». Un mot adoré par San Antonio. C'est dire l'importance des mots dans cette profession où tout s'achève par des discours. Avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation, Maître Bertrand Périer non seulement assume cette oralité : « L'oral, c'est l'écrit plus la vie », note-t-il. Mais il en a fait sa spécialité : il enseigne l'art oratoire dans de grandes écoles et prépare les élèves de Paris-VIII au concours Eloquentia, qui désigne le meilleur orateur de Seine-Saint-Denis. Parce que la tchatche n'est pas l'apanage des beaux quartiers, ainsi que l'a prouvé à l'envi le rap avec ses battles, que l'on peut considérer comme nos modernes disputationes.

Bertrand Périer, quoique mélomane aux goûts classiques, plus à l'aise avec les didascalies de Satie, aborde ce sujet, entre bien d'autres, au chapitre II de son livre, Sur le bout de la langue, consacré justement à la musique. Dans ce deuxième opus après La parole est un sport de combat (JC Lattès, 2017), notre homme passe en revue un certain nombre de grands domaines (à commencer par le droit), où les mots jouent un rôle capital, à condition de les connaître, de les comprendre. Et le lexicologue amateur se fait une joie d'explorer les jargons de la basoche, de la cuisine, de la religion ou du sport, et de les éclairer pour les néophytes.

Il est épatant lorsqu'il balaye devant sa propre porte, moquant les chirographaire, réméré, litispendance et autres affidavit du charabia judiciaire, lequel n'a pas changé depuis le Moyen-âge : que voilà une belle réforme à entreprendre. Par exemple, qui sait que « lever la grosse » signifie simplement qu'un avocat se rend au greffe du tribunal demander la copie officielle d'un jugement afin de le faire exécuter ? Il célèbre également la formidable créativité de notre langue, laquelle ne tarde pas à fabriquer des mots pour suivre l'évolution des comportements et de la technologie. Ainsi, les adolescents qui ne supportent pas de vivre sans leur portable souffrent-ils de « nomophobie ». Son livre s'achève sur un joli chapitre consacré à l'amour, avant quelques conseils pratiques et ludiques afin d'élargir notre vocabulaire, d'améliorer notre expression, de toujours savoir trouver le mot juste.

Bertrand Périer
Sur le bout de la langue : le plaisir du mot juste
Lattès
Tirage: 14 000 ex.
Prix: 19 euros ; 200 p.
ISBN: 9782709665223

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