La culture française en voie d’extinction ? La couverture de Time a fait quelques vagues dans le landerneau culturel français. Un grand magazine, américain de surcroît, qui sonne la fin de notre culture. Diantre… Les réponses n’ont pas manqué. Laissez-moi y ajouter la mienne à travers deux petits faits qui ont échappé à Time et à nombre d’entre vous mais qui me donnent confiance en la culture française et même un peu plus que cela. Les vers de Margo* . C’est une petite librairie comme on les aime, les mots y flottent dans l’air comme hier encore la fumée dans les cafés. Cela s’appelle le « Village Voice » et Margo Berdeshevsky lit des poèmes de son dernier recueil But a passage in wilderness (éditions Sheep meadows press). Sa voix d’ancienne comédienne à Hollywood envoûte les spectateurs ce jeudi soir. Même les silences sont de Margo. Qu’est-ce que ces vers écrits en anglais par une Américaine évoquant le tsunami à Aceh ont à voir avec la culture française ? Tout évidemment ! Combien d’artistes venus des quatre coins de l’horizon sont venus travailler à Paris par amour, par peur des menaces de régimes dictatoriaux, par envie de rencontrer d’autres artistes. On disait que c’était fini, que le centre du monde était aujourd’hui à New York, Londres ou Barcelone. Eh bien Margo a fui l’Amérique de Bush pour s’installer en plein centre de Paris. Elle est partie aider une de ses amies à Sumatra pour soigner les victimes du tsunami. Elle en a ramené des textes bouleversants. La soirée s’achève sur un mauvais vin (californien, pauvre Margo, pauvre misère) et un beau sentiment qui est précisément le titre de ce poème « Communion ». Laissez-moi vous en offrir quelques vers : Let us come into communion The sea is sick of fish randomly, it wants god Black-weather bird, you are scratch on silver. The scratch will not be repaires, what use is polish Whom do you follow after folconer? Across the field, bells hang in darkness braver than the stars. Once bells could speak. Who silenced them once, lies quiet. The Berlin wall stood built for twenty-eigt years, its stones like Jericho’s fell. Wall after wall after wall. When our wall fall ? Be the bell. Be the bell (...) When will a chance wing randomly come in to save us, ever? How much does it hurt? Who can count skin ? Let us come in to communion . Omar nous a tuer !** La place de Clichy est une des plus laides à Paris. Encombrement de voitures en délire, de fast-food graisseux, de films américains en vf, l’horreur. Le type d’endroit à fuir au plus vite (ce que fait chacun en bousculant l’autre au passage). C’est pourtant là que j’ai trouvé samedi soir un peu, que dis-je, beaucoup d’humanité samedi soir. Tout cela grâce à un homme : Omar le vrai animateur de la place de Clichy. Depuis 2002 il réalise régulièrement des photos avec ses clients ou des galettes. Cette année, il nous a organisé la plus belle des fêtes. 18 artistes professionnels ou amateurs au Méry, un ancien cinéma porno (qui me laisse encore rêveur avec ce titre de film X qu’il affichait en pleine crise pétrolière des années 70 : Couche-toi dans le sable et fais-moi jaillir ton pétrole , à ressortir maintenant que le baril est « monté » à 100 $) devenu théâtre respectable. Deux chorales, une cantatrice, des chanteuses et des chanteurs, une danseuse, une gymnaste. Mais qui est Omar ? Omar est le kiosquier de la place de Clichy. Marocain né en Algérie, il y a 58 ans, il a débarqué en France en octobre 67. « Sans papiers ! » rigole-t-il. « De toute façon en Algérie on me disait que j’étais Marocain et au Maroc que j’étais Algérien, alors… » Il commence à vivre au Halles : «Je ramassais ce qui traînait pour me nourrir, parfois on me demandait d’aider à décharger un camion et après j’allais dormir dans un cinéma permanent. La belle vie. » Plus tard il deviendra couvreur, cuisinier-livreur de couscous à domicile, figurant de cinéma (on l’aperçoit notamment dans De battre mon cœur s’est arrêté ), puis kiosquier en 1995. Et il aime ça : « Ce que j’aime ici c’est le mélange des gens et des cultures. Et puis il y a beaucoup d’artistes. Je connais Lelouch qui m’a fait tourner dans deux de ses films, je discute avec Lucchini, mais si Binoche ou Trintignant n’ont pas envie de parler je les respecte. » La première Française qu’Omar a aimé était de Morlaix. Alors quand un chanteur breton a lancé : « Ceux qui veulent danser la Gavotte peuvent monter sur scène » Omar et d’autres se sont lancés dans un fest noz endiablé. Et quand le Berbère Lakdar Boussaf a lancé la même invitation Omar et ses amis sont revenus pour une danse berbère. On a découvert des talents comme on en attend encore à la Star academy. Ne retenez qu’un nom : Go’es, elle a fait frissonner la salle par sa seule présence. Au bout de trois heures de spectacle les amis d’Omar ont distribué à la salle les paroles de Copains d’abord de Brassens. Tout le monde a chanté. C’était beau. Quelques courtes nouvelles du front : Cet été je demandais si les économistes n’étaient pas des cons ? Mon hypothèse se confirme. Le Monde daté mardi consacre une longue enquête à cette terrible question : « Comprendre notre cerveau pour analyser l’économie ». Selon le New York Times de dimanche: 121 soldats US revenus de la guerre d’Irak ou d’Afghanistan ont été impliqué dans des crimes aux Etats-Unis. Selon l’agence Reuters : Daniel Barenboïm a pris un passeport palestinien après avoir donné un récital de piano de Beethoven à Ramallah. * Zut ça me reprend les titres stupides, après la semaine dernière… ** Oui, je sais ! Trop long je renvoie ma revue de blogs à la semaine prochaine. Pardon Voir aussi la réponse de CulturesFrance à Time Magazine
15.10 2013

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