6 MARS - HISTOIRE France

En ce temps-là, Paris était un songe. Un de ces rêves troublants que peinent à dissiper les premières lueurs de l'aube, né des joies ineffables de la contrainte et de son émancipation. Il traînait alors sur la ville comme un climat canaille de laisser-aller, de fatigue sensuelle, de séduction de la fange à laquelle chacun succombait, du populo au milord. Durant les quarante premières années du siècle dernier, on a dansé autour du volcan et entre deux massacres, Paris était bonne fille aux excès en tous genres. A Montmartre, Pigalle ou Montparnasse, dans les cabarets, les bouges, les bordels, les salons trop privés, les vapeurs d'opium ou de mauvais vin, se nouaient des complicités contre nature tandis que les identités sexuelles jouaient à cache-cache. Paris était la ville la plus tolérante du monde, Paris était une fête des sens et une défaite de l'ordre bourgeois.

Ce Gay Paris des années 1900-1940 (où les homosexuels, les invertis comme on les nommait alors, tiennent le haut du pavé sans nécessairement occuper toute la chaussée), cet âge d'or du micheton et des apaches, François Buot nous le fait aujourd'hui revivre. Cet amateur des marges bienheureuses, des chemins de traverse, déjà biographe de Tristan Tzara, René Crevel, Nancy Cunard, Alain Pacadis ou Hervé Guibert, nous restitue ce monde perdu avec un luxe de détails qui doit peut-être plus encore à l'enquêteur qu'à l'historien et dont l'érudition sans faille ne vient jamais assécher le récit. Bien sûr, on croisera au fil de ces pages garçons de mauvaise vie et filles de petite vertu, les figures tutélaires de Francis Carco, Willy, Jean Lorrain, Rachilde, Cocteau, Proust ou Jean Genet. La frénésie des uns et des autres est comme annonciatrice des désastres à venir. Et lorsque la « Ville lumière » se réveille de ce rêve hédoniste emporté par Vichy, ses émules et ceux qui l'annoncèrent, la fête est bel et bien finie. Salement.


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