Avec La cité des amants perdus (Seuil, 2006) et surtout La vaine attente (Seuil, 2009), vertigineuse variation autour de l’agonie d’un pays, l’Afghanistan, l’Anglo-Pakistanais Nadeem Aslam s’est durablement imposé comme l’un des auteurs phares de la nouvelle génération des romanciers britanniques en même temps qu’un fils spirituel acceptable pour Salman Rushdie ou Michael Ondaatje. Le jardin de l’aveugle, son quatrième ouvrage (le premier est en cours de traduction), s’inscrit, par son écriture, tout à la fois lyrique et onirique, autant que par son thème, dans cette même lignée.
L’aveugle du titre, c’est Rohan, un vieil homme qui perd peu à peu la vue, comme quelques années auparavant sa femme, dont il est désormais veuf, perdit la foi. Dans la petite ville pakistanaise où il réside, Rohan a fondé une école islamique, « L’esprit ardent », dont il a été chassé au profit des fondamentalistes. En ces jours qui suivent les attentats du 11 septembre 2001, il doit aussi se résoudre à voir partir ses deux fils, Jeo, celui qu’il eut avec son épouse, et Mikal, qu’il a adopté après la disparition de ses parents communistes. Jeo et Mikal ont toujours tout partagé, jusqu’à l’amour d’une femme, Naheed, que le premier a épousée et que le second aime en secret. Au lendemain de la chute des tours jumelles, les deux quittent leur pays pour porter assistance aux populations des montagnes d’Afghanistan. C’est la guerre qui les attend, et bientôt le plus amer des retours au pays natal. Une guerre de chaque instant, absolue, qui embrase le ciel et les plaines, mais aussi les consciences, et sépare à jamais les enfants qui s’aiment.
On ne pourra pas faire reproche à Nadeem Aslam de manquer d’ambition. Ni de souffle. Son Jardin de l’aveugle commence comme un conte oriental, se poursuit comme un tableau de Goya et s’achève dans la sérénité paradoxale d’un paysage après la bataille. La fin du monde a déjà eu lieu. Elle a donné à Aslam une idée de roman.
O. M.